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et l’activité très belle, quoique un peu remuante, de son capitaine, pouvait prendre dans un cas donné l’initiative des opérations. Il allait la prendre, en effet, un peu à la hâte peut-être, mais fort heureusement.

Le commandant de Jonquières était un habile et vaillant homme, très ami du bruit, mais ayant la qualité de s’attacher, par l’admiration qu’il professait volontiers pour eux, ses officiers et son équipage. Il y a habileté louable, sauf certains inconvéniens, à exagérer chez un équipage la bonne opinion qu’il peut avoir de soi. On le trouve, il est vrai, assez indépendant et assez volontaire d’allures dans le service intérieur du bord, mais tout disposé d’amour-propre à bien faire dans les circonstances graves. Le Brandon, à l’exemple de son commandant, était fort impatient d’agir quand l’attaque de Regino sur la Frontera lui en donna l’occasion. Un peloton de matelots et d’Autrichiens culbuta l’ennemi et se tint prêt à marcher plus loin. M. de Jonquières venait d’envoyer son second à Mérida pour demander au commissaire impérial du Yucatan un renfort considérable que celui-ci, comprenant la nécessité de frapper un grand coup, accorda aussitôt. Le 3 juin, une colonne composée de deux cent cinquante Mexicains, cent quatre-vingts Autrichiens et soixante matelots du Brandon, s’embarqua à Carmen sur la canonnière à vapeur la Louise, huit goélettes et les canots du Brandon armés en guerre. Le 5, on entra dans Palizada sans coup férir : l’ennemi, prévenu à temps, l’avait évacué. Le 6, la colonne continua péniblement sa route par les arroyos et arriva bientôt en vue du camp retranché que l’ennemi avait établi sur la rive opposée, à Jonuta. Les remparts étaient couverts de monde, le pavillon libéral hissé. L’ennemi ouvrit le feu immédiatement. On attendit pour répondre que l’on fut à demi-portée ; puis, défilant devant ces retranchemens, on opéra le débarquement à 300 mètres au-delà, faute d’un autre endroit convenable, et suivi par la fusillade de l’ennemi embusqué sur la rive. En un clin d’œil, tout le monde fut à terre et marcha sur les retranchemens, où l’enseigne de vaisseau Fleuriais eut l’honneur d’entrer le premier à la tête d’un peloton du Brandon. Le capitaine Heudeman, avec un peloton d’Autrichiens, le suivit de très près. Les dissidens, ne résistant pas au choc, prirent la fuite pendant que le colonel mexicain Traconis débusquait tous les ennemis qui, à l’abri des buissons, faisaient essuyer à notre monde un feu meurtrier. Un moment, ma parti de cavalerie essaya un mouvement tournant sur notre droite, mais il fut vigoureusement accueilli par les hommes à la garde des canots. Comme ceux-ci étaient dominés par la berge, ils mirent aussitôt un obusier à terre, et au troisième coup, l’ennemi lâcha pied.

C’était la fin de l’engagement. Alors éclata une de ces violentes