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tenir tout ce qu’il promettait, l’espérance de grouper par la protection qui lui serait assurée, à chaque point qu’occupaient le canonnières, une population qui se rattachât fortement à l’empire. Cette espérance se réalisa en partie, et les jeunes officiers qui commandaient les canonnières exercèrent autour d’eux jusqu’au dernier moment une influence presque absolue d’autorité et de protection.

Seulement, au milieu de ces soins, la marine avait toujours ses misères. Le mois d’avril arrivait, et c’était l’époque où la guerre retirait ses employés et ses services de toutes sortes des terres chaudes, la fièvre jaune étant un ennemi qu’elle pouvait se dispenser de combattre. Il est vrai que le maréchal, sachant que la suppression de l’hôpital de la marine était imminente, prévenait le commandant qu’il pouvait envoyer ses malades à l’hôpital de la Soledad. Or, cette ambulance était une maison de paille qui ne recevait que quarante lits, tandis que nous en avions soixante à la Vera-Cruz. Puis un malade qui a un accès pernicieux ne peut attendre le chemin de fer. Ce n’était pas pratique. En outre, la poste et le trésor étaient supprimés et portés à Cordova. On allait donc être forcé d’expédier les vaguemestres jusque-là avec des lenteurs et des retards, car des bâtimens sur le qui-vive de l’appareillage ne peuvent qu’à des espaces de temps irréguliers se prêter à ces envois. La marine se résignait à ces ennuis, en ayant vu bien d’autres. Ce qui était plus grave, c’est que le maréchal, n’ayant plus de services à Vera-Cruz, paraissait ne point douter que la marine ne pût garder le Môle et la porte de mer avec les hommes qui lui étaient laissés. C’était impossible, et, si on l’exigeait, le commandant n’avait plus qu’à se renfermer dans la lettre des dépêches ministérielles et à retirer tout son monde au fort. Le commandant n’eût pas hésité, et c’eût été alors comme si la distance entre Vera-Cruz et la division navale se fût augmentée de 50 lieues. Il n’y eût plus eu en effet que l’inertie mexicaine à la place de l’incessante et intrépide activité des marins du port. Biais, d’autre part, le commandant supérieur de Vera-Cruzne voulait pas, malgré l’ordre du maréchal, reprendre la section de discipline qui encombrait le fort et consommait la provision déjà bien faible d’eau potable. En dehors de ces diverses exigences, il avait fallu obéir, dans une certaine limite, aux ordres du ministre. Le commandant promettait d’arriver peu à peu au chiffre de trois cent cinquante hommes pour le stationnaire annexe, hôpital compris. Ce pouvait paraître encore trop de monde, mais la saison chaude était proche, et il fallait compter avec le déchet. Ce mot simple et cruel était justifié par le passé. Deux cent quarante-sept hommes reçus au mois de juin 1864 pour les besoins du service s’étaient en octobre trouvés réduits à cent