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Puisque c’est à l’insuffisance de la nourriture qu’ils reçoivent pendant l’hiver qu’il faut surtout attribuer les ravages que les troupeaux indigènes causent aux pâturages du printemps, il serait désirable de voir les populations abandonner les montagnes, descendre dans les vallées et chercher, en augmentant la provision fourragère à conserver les animaux le plus longtemps possible dans les bergeries pour ne les lâcher que lorsque l’herbe a pris une certaine consistance et que le sol s’est raffermi. C’est à accroître le rendement des prairies fauchables par des fumures et des irrigations que devraient tendre tous leurs efforts, et les encouragemens que l’état donnerait pour cet objet faciliteraient singulièrement l’œuvre du reboisement.

Le salut des montagnes dépend donc en grande partie de la prospérité des cultures dans les régions inférieures et des progrès agricoles qui y sont réalisés. Si la plaine de la Crau était convenablement cultivée, elle produirait de quoi nourrir pendant toute l’année dix fois autant d’animaux qu’aujourd’hui, sans qu’il soit nécessaire de les envoyer ravager les Alpes pour assurer leur subsistance pendant l’été. Les irrigations qu’on cherche à développer dans tous ces départemens étendront donc leurs bienfaits jusque dans la région montagneuse, bien au-delà des points sur lesquels elles auront été effectuées.

De tous les progrès le plus désirable est certainement la substitution de la race ovine par la race bovine. On se rappelle les clameurs qui se sont élevées lors de la présentation du nouveau tarif des douanes et l’agitation que les protectionnistes ont cherché à provoquer à cette occasion dans le public. Un des argumens sur lesquels ils insistaient le plus pour prouver que les traités de commerce avaient ruiné l’agriculture française, est la diminution du nombre des moutons constatée par les dernières statistiques. Il est regrettable qu’il ne se soit trouvé personne pour leur répondre que le mouton, lorsqu’on n’a en vue que la production de la laine, est surtout l’animal de la culture nomade et rudimentaire. C’est dans les contrées pauvres, sur les sols peu fertiles, dans les pays