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dans les crues ordinaires. Ces barrages ont pour effet de retenir les blocs de rochers arrachés de la montagne, de créer des atterrissemens, de briser la chute du torrent et d’en diminuer la violence en élargissant son lit. Quelques-uns de ces barrages sont de véritables œuvres d’art, il en est qui ont jusqu’à 10 mètres de hauteur et qui ont coûté de 40,000 à 50,000 francs à établir. Nous ne pouvons entrer ici dans les détails d’exécution qui varient dans chaque cas particulier, puisque chaque torrent a son régime spécial et qu’il faut s’inspirer des circonstances pour en triompher. Les agens forestiers chargés de ces travaux, surtout MM. Costa de Bastelica et Demontzey, se sont montrés des ingénieurs de premier ordre et ont attaché leur nom à des ouvrages qui excitent l’admiration de tous ceux qui sont en état d’apprécier les difficultés en présence desquelles ils se trouvaient.

Ce n’est que lorsque les terres sont raffermies et le torrent maîtrisé qu’on peut entreprendre le reboisement proprement dit. Pour cet objet, on a dû créer, à proximité des travaux, des pépinières renfermant les essences les mieux appropriées à la nature du sol et au climat. Dans les parties les plus élevées, c’est le pin cembro et le mélèze qui réussissent le mieux ; dans la région intermédiaire, le pin noir d’Autriche convient dans les terrains calcaires, et le pin sylvestre dans les autres ; enfin dans la zone inférieure, c’est aux essences feuillues, comme le chêne et l’orme, qu’il faut donner la préférence. Sur les rampes arides des montagnes du littoral, on s’en tient au pin d’Alep et au pin maritime, qui peuvent résister aux longues sécheresses de la région méditerranéenne. On a souvent recours aussi à diverses espèces d’arbustes et d’arbrisseaux, dont les racines traçantes sont merveilleusement propres à la fixation des terres, et dont la végétation rapide peut donner un premier abri au sol dénudé.

Le travail même de la plantation est exécuté par des ouvriers placés sur deux lignes distantes d’un mètre l’une de l’autre. Les ouvriers de la première ligne ouvrent, en commençant par le haut de la montagne, les trous dans lesquels ceux de la seconde introduisent les jeunes plants et qu’ils referment en piétinant le sol. Ils continuent ainsi en descendant à reculons, de façon à garnir les pentes sans laisser aucun vide. Protégés contre les ardeurs du soleil par les herbes précédemment semées, par les boutures de saule déjà enracinées, les jeunes plants ne tardent pas à végéter avec vigueur et à recouvrir d’un manteau de verdure les pentes dénudées et ravinées de la montagne.

A la suite de la loi de 1864, on a essayé, ainsi que nous l’avons dit, de substituer, dans l’intérieur des périmètres, le gazonnement