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la zone s’élèverait dans la montagne et finirait par embrasser des espaces de 400 et 500 mètres. Ce tracé s’appliquerait non-seulement à la branche principale du torrent, mais encore aux divers torrens secondaires qui s’y déversent, il s’appliquerait encore aux ravins que reçoit chacun de ces torrens et, poursuivant ainsi une branche après l’autre, il ne s’arrêterait qu’à la naissance du dernier filet d’eau. » Comme ces zones de défense iraient en s’élargissant de bas en haut, elles arriveraient vers les sommets à se toucher et à se confondre, de façon à former une bande continue dans la partie supérieure, et à n’y pas laisser une place vide.

Une fois le périmètre des terrains à reboiser déterminé, la première mesure à prendre est d’y interdire le pâturage, afin de permettre au sol désagrégé par le piétinement des moutons de se raffermir et à la végétation herbacée de reprendre son empire. On provoque ce résultat en recépant tous les arbustes qui croissent sur ces terrains, en plantant par bandes horizontales, distantes de 2 mètres environ, des boutures de saule, destinées à retenir les terres sur des talus presque verticaux et en semant dans les intervalles des graines fourragères. Concurremment avec ces opérations préliminaires, qui n’ont d’autre objet que de préparer le sol à recevoir plus tard les essences forestières, on attaque le torrent lui-même au moyen de travaux d’art destinés à en ralentir le cours, à arrêter les matériaux qu’il charrie et à empêcher les affouillemens des berges. On emploie pour cela des clayonnages et des barrages qu’on construit au travers du lit, en suivant le torrent jusque dans ses moindres ramifications. C’est généralement par les parties supérieures qu’on commence, là où les eaux, n’ayant pas encore acquis toute leur puissance, sont plus facilement retardées dans leur course et où les matières en suspension, encore peu abondantes, peuvent être retenues par des ouvrages peu importans ; on entrelace autour de piquets plantés dans le ravin des branches de saule et de coudrier encore vertes qui font l’effet de boutures, prennent racine dans le sol et forment ainsi un obstacle vivant se perpétuant de lui-même. Lorsque ces clayonnages sont suffisamment rapprochés, ils transforment le ravin en un véritable escalier, grâce auquel les eaux, amortissant leur violence à chaque marche, n’ont plus la force nécessaire pour entraîner les terres et arrivent presque claires dans le fond du bassin de réception.

Dans les parties inférieures, là où le torrent plus fort a une action destructive plus grande, il faut des moyens plus énergiques. On a recours dans ce cas à des barrages en maçonnerie encastrés dans les berges, assis sur un radier et traversés dans la partie inférieure par un canal voûté appelé pertuis, qui permet l’écoulement de l’eau