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porter sur plus du vingtième de la contenance comprise dans chaque périmètre.

Ces dispositions, si modérées qu’elles fussent, n’en soulevèrent pas moins de la part des intéressés de vives réclamations, à cause des restrictions qu’elles imposaient forcément à l’exercice du pâturage, et c’est pour y répondre que le gouvernement présenta la loi de 1864, qui autorise, dans l’intérieur des périmètres, à remplacer le reboisement par le regazonnement. On espérait pouvoir ainsi reconstituer les terrains dégradés des montagnes et améliorer les pâturages existans, tout en diminuant l’étendue des parties à remettre en bois. Mais les résultats obtenus n’ont pas répondu à cette attente, car on ne peut créer des pâturages à volonté, et le pût-on, ils seraient impuissans soit à empêcher la formation des torrens, soit à éteindre ceux qui existent. Il a donc fallu en revenir au reboisement prescrit par la loi de 1860, et c’est sous l’empire de celle-ci que les travaux entrepris jusqu’ici ont été exécutés.

Aussitôt cette loi promulguée, l’administration forestière s’est mise à l’œuvre avec une ardeur qui n’a pas étonné ceux qui connaissent le personnel d’élite dont elle est composée. Pénétrés de la grandeur de l’entreprise dont ils étaient chargés, ayant la conscience de l’immense service qu’ils étaient appelés à rendre au pays, gardes et agens, du haut en bas de l’échelle hiérarchique, ont montré dans cette circonstance une abnégation, un courage, une persévérance d’autant plus méritoires que leurs efforts devaient être obscurs et qu’ils n’avaient à en attendre ni récompense, ni renommée, ils se trouvaient en présence d’une œuvre grandiose, mais absolument nouvelle, pour l’accomplissement de laquelle ils n’avaient ni guide, ni tradition ; ils avaient non-seulement à vaincre les obstacles matériels, mais à triompher des résistances morales qu’ils rencontraient chez ceux-là même qui auraient dû leur prêter leur concours. Dans leur lutte contre les forces aveugles de la nature, ils avaient à ménager les intérêts souvent mal compris des populations, s’ils ne voulaient échouer complètement. Malgré les tâtonnemens inévitables des premières années, ils furent à la hauteur de leur tâche. Passant des mois entiers dans la montagne, sans autre abri qu’une tente ou qu’une baraque en planches, ils étudiaient le régime des torrens, en levaient les plans et préparaient les travaux à entreprendre pour en arrêter les ravages, ne reculant devant aucune peine pour répondre à la confiance qu’on avait mise en eux. Dès le début, M. Parade, directeur de l’école forestière, puis M. Mathieu, professeur d’histoire naturelle, furent envoyés dans les Alpes pour étudier les méthodes à employer. Dans les rapports qu’ils publièrent à cette occasion, ils posèrent les