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Les choses en restèrent là jusqu’en 1860. A la suite de la fameuse lettre de l’empereur, connue alors sous le nom trop mensonger de programme de la paix, à la suite peut-être aussi d’une étude que nous avons publiée ici même[1] à l’occasion des inondations de 1856, M. de Forcade la Roquette, directeur-général de l’administration des forêts, prépara un projet de loi sur le reboisement des montagnes qui, plus heureux que les précédens, fut voté par le corps législatif et par le sénat. Le gouvernement d’alors avait sur les chambres une action assez forte pour leur imposer ses volontés et briser les résistances que pouvaient lui opposer les coalitions d’intérêts. Plût à Dieu qu’il ne l’eût exercée jamais que pour des mesures comme celle-ci !

Quoi qu’il en soit, la loi de 1860 avait fait passer la question du domaine de la théorie dans celui de la pratique. Elle n’était, à proprement parler, qu’une loi d’essai qui porte l’empreinte évidente de la préoccupation de l’administration de ne pas froisser les intérêts des populations des montagnes et de mettre à l’exercice du pâturage le moins de restrictions possible[2]. En voici les principales dispositions.

Les travaux de reboisement sont facultatifs ou obligatoires. Dans le premier cas, l’état subventionne, soit par des primes en argent, soit par des distributions de graines et de plants, les communes ou les particuliers qui les ont entrepris. Dans le second, c’est-à-dire lorsque l’intérêt public est en jeu, l’état détermine le périmètre des terrains sur lesquels les travaux devront être exécutés ; après un décret rendu en conseil d’état, il met en demeure les propriétaires de procéder au reboisement et, en cas de refus de leur part, exécute lui-même les travaux. Lorsque ces terrains appartiennent à des particuliers, l’état peut les acquérir soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation ; lorsqu’ils appartiennent aux communes, il peut s’en emparer d’office, mais il est tenu de les restituer, soit contre le remboursement des avances faites par lui, soit contre l’abandon de la moitié de l’étendue reboisée et sur laquelle les communes conservent d’ailleurs un droit de parcours pour leurs troupeaux. Pour accentuer encore son caractère de conciliation, la loi stipule que le reboisement ne pourra annuellement

  1. Voyez, dans la Revue du 1er février 1859, le Reboisement des montagnes et le Régime des eaux.
  2. Des lois analogues viennent d’être promulguées en Italie et en Espagne, où, comme en France, on a reconnu la nécessité de reboiser les montagnes dénudées ; mais il est à craindre qu’elles n’y restent longtemps lettre morte, à cause de l’incurie des populations et de l’insuffisance du service forestier.