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proportions d’une lutte en champ clos ; l’anxiété faisait place à l’excitation joyeuse et la nature reprenait ses droits. Le roi se lève et sort de sa tente ; le soldat qui l’acclame lit sur son visage rayonnant d’allégresse le succès de la journée.

Toute l’armée d’Alexandre, nous l’avons déjà dit, ne dépassait pas 7,000 chevaux et 40,000 hommes de pied. Distinguons dans cet effectif deux corps principaux entièrement composés de Macédoniens : la phalange d’abord, l’agéma ensuite. La phalange comprenait 16,384 piquiers armés de la longue sarisse. Lorsqu’elle était rangée sur 16 hommes de hauteur, avec les intervalles de 6 pieds entre chaque rang et entre chaque homme, cette troupe d’élite, qui n’a eu d’analogue que l’infanterie suisse, déployait un front de 2 kilomètres environ d’étendue. L’agéma était un mélange d’infanterie et de cavalerie ; 8 escadrons d’hétaires, à 150 chevaux par escadron, avaient pour complément 3,000 hypaspistes, gens de pied, dont l’armement différait peu de celui des hoplites grecs. Autour de ce fort noyau se groupaient près de 8,000 peltastes armés à la légère ; les argyraspides, avec leur bouclier d’argent affectant la forme d’une feuille de lierre, étaient des peltastes. Sur les flancs de l’armée et lui servant souvent d’éclaireurs voltigeaient les archers agriens, les frondeurs et les Thraces. Les Péoniens et les Thessaliens, troupe à cheval moins lourde, sans être moins redoutable, que la cavalerie de l’agéma, flanquaient une des ailes quand les hétaires se chargeaient de couvrir l’autre. Pour la souplesse et l’agilité, cette cavalerie légère n’avait pas son égale au monde. La bataille d’Issus venait d’apprendre aux Grecs que l’infanterie de Darius était peu à craindre ; elle leur avait, en revanche, laissé un certain respect pour la cavalerie perse. Des hommes et des chevaux bardés de fer ont une quantité de mouvement à laquelle il ne suffit pas d’opposer la dextérité ou la vitesse. De l’aveu des Anglais eux-mêmes, un de leurs meilleurs régimens de dragons fut, à la bataille de Waterloo, trois fois repoussé par « les cuirassiers de Bonaparte. » Quand le terrain se prête aux charges à fond, il faut beaucoup compter avec la cavalerie, et le terrain, aux champs de Gaugamèle, nous l’avons déjà fait remarquer, ne laissait rien à désirer sous le rapport de l’étendue et de la nature du sol.

Au signal d’Alexandre, les palissades du camp sont abattues, l’armée grecque sort de ses retranchemens et se forme en bataille dans la plaine. Les dispositions à prendre sont connues d’avance : la phalange en masse va se placer au centre. Son flanc droit est protégé par la cavalerie des hétaires que commande Clitus et par les escadrons de Philotas ; les argyraspides, sous les ordres de Nicanor, garderont son flanc gauche. En arrière se tient Amyntas avec la