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de régime ; mais les honneurs rendus aux anciens rois étaient devenus, en Égypte, une institution de l’état ; pour faire acte de piété envers ses lointains prédécesseurs, quelque souverain réparateur avait dû restituer le culte des princes presque légendaires qui représentaient les glorieux commencemens de l’histoire nationale. Il y avait, en outre, des prêtres attachés à chaque nécropole ; moyennant une certaine redevance, ils officiaient de tombe en tombe. M. Mariette les a reconnus dans quelques-uns des bas-reliefs de Sakkarah. On s’assurait leurs services comme aujourd’hui on achète des messes[1].

Le même sentiment conduisait à enterrer avec le mort ses armes, ses vêtemens, ses bijoux, tous les objets dont il pouvait avoir besoin dans l’autre vie ; on sait quels trésors nous ont livrés, en ce genre, les tombes égyptiennes et leur mobilier funéraire ; ce sont leurs dépouilles, qui remplissent les vitrines de nos musées ; Ce n’était pas là non plus une habitude qui ait été particulière à l’Égypte ; elle existait chez tous les peuples anciens, civilisés ou barbares ; il est même resté trace, dans les plus anciens souvenirs de la race hellénique, du temps où, comme ces Scythes dont Hérodote nous décrit les mœurs[2], les Grecs immolaient, à la mort d’un chef, ses serviteurs et ses femmes, pour les envoyer tenir compagnie au défunt. Quand elle se révèle à nous par ses monumens, l’Égypte est déjà trop civilisée pour pratiquer ces sacrifices sanglans ; grâce au concours que l’art prêtait à la religion, elle avait trouvé moyen d’assurer au mort les mêmes avantages sans commettre les mêmes cruautés. Ces domestiques attachés à sa personne et ces gens de métier dont les services lui seraient si nécessaires dans l’autre vie, elle l’en entourait pour toujours à moindres frais. Au lieu de les égorger près de la fosse, elle les représentait, dans la variété même de leurs occupations et dans tout le feu du travail, sur les parois de la tombe richement décorée par le sculpteur et par le peintre. Elle faisait de même pour tous ces objets d’usage et de luxe que le double aimerait à avoir sous la main, comme pour ces alimens qui lui étaient indispensables.

C’est à une préoccupation du même genre que se rattache un usage qui s’établit un peu plus tard, ce semble ; nous voulons parler de l’habitude que l’on prit de placer dans la tombe ces statuettes qui sont connues sous le nom de figurines funéraires et qui se rencontrent en si grand nombre dans les sépultures, à partir du second empire thébain. M. Mariette en a recueilli dans des

  1. Tombes de l’ancien empire, p. 87.
  2. IV, 71-72.