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modifiaient leur définition de l’âme et, par une conséquence nécessaire, la manière dont ils en comprenaient la persistance après la morte comme il arrive toujours en pareil cas, ces conceptions tétaient ajoutées et comme superposées l’une à l’autre sans que la dernière venue détrônât sa devancière et s’y substituât ; elles se mêlaient, elles coexistaient dans l’imagination populaire.

Nous renverrons aux fines analyses de M. Maspero ceux qui tiendront à se rendre compte de tout ce curieux travail de l’esprit égyptien. L’historien s’y applique à ne laisser échapper aucune des nuances d’une pensée sur laquelle les difficultés de l’écriture et de la langue répandent toujours comme une sorte d’ombre et de léger brouillard ; mais en même temps il évite avec le plus grand soin de lui prêter une précision et une rigueur logique qu’elle n’a jamais comportées ; il explique, par des rapprochemens ingénieux, comment les Égyptiens se sont contentés d’à-peu-près et comment s’accordaient dans leur intelligence des notions qui semblent s’exclure.

Nous n’entrerons pas dans ce détail ; nous ne chercherons pas à déterminer le sens que les Égyptiens attachèrent, à partir d’un certain moment, au mot bâi, que l’on traduit par âme ; nous ne demanderons pas comment ils en distinguaient cette parcelle de la flamme divine, cette étincelle qu’ils nommaient, khou, la lumineuse, et que l’âme, semble-t-il, enveloppait comme un vêtement. Nous ne suivrons pas l’âme et sa lumière intérieure dans leur voyage souterrain à travers les sombres régions de l’Ament, l’enfer égyptien, où elles pénètrent par la fente du Péga, à l’occident d’Abydos, la seule porte qui donne accès au domaine des ténèbres ; nous ne les accompagnerons point dans cette suite d’existences et de transformations successives qui leur font parcourir le ciel et la terre, dans la série indéfinie de leurs devenirs (c’est l’expression égyptienne). Ce qui nous importe, c’est de remonter à la conception la plus ancienne, à celle qui, contemporaine des premières impressions de l’enfance, s’est gravée dans l’âme de la race en traits assez profonds pour demeurer ineffaçable et pour garder toujours sur l’imagination une plus forte prise que les théories postérieures, déjà plus abstraites et plus philosophiques. C’est cette conception primitive qui doit nous expliquer la tombe égyptienne, celle-ci ne s’est-elle pas en effet constituée, telle que nous la retrouverons jusqu’à la fin, dès les premiers jours de cet empire memphite, dont l’architecture funéraire nous est représentée par les Pyramides et par les riches nécropoles de Sakkarah et de Gizeh ? Voici donc, résumée dans ce qu’elle a d’essentiel, l’idée que conçurent les Égyptiens lorsque, pour la première fois, ils songèrent à trouver dans l’homme une partie durable ; voici comment ils se figuraient ce je ne sais quoi