Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/576

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

risqueraient-ils pas de se voir contrariés par des luttes d’influence politique, qui se feraient sentir jusque sur un terrain où les peuples civilisés ne devraient jamais se rencontrer que dans une généreuse émulation de sacrifices et de recherches ? En admettant qu’à force de discrétion et de bon vouloir, on écartât ce péril, l’extrême difficulté de ces études d’égyptologie et d’archéologie orientale ne serait-elle pas un embarras et un obstacle ? L’École d’Athènes elle-même, nous ne l’avouons pas sans quelque honte, a parfois manqué de candidats, tant nous sommes, à certains égards, un peuple routinier et peu voyageur ; combien serait plus malaisé le recrutement d’une école qui devrait exiger de ceux qui aspireraient à l’honneur d’en faire partie tout au moins les élémens des connaissances spéciales dont ne saurait se passer quiconque s’attaque aux textes égyptiens, avec le désir d’ajouter quelque chose aux déchiffremens et aux traductions de ses prédécesseurs !

Les timides pouvaient trouver là plus de raisons de douter et d’attendre qu’il n’en faut d’ordinaire pour opposer à une innovation quelconque une fin de non-recevoir. L’idée a pourtant fait son chemin ; elle l’a fait plus vite peut-être que n’aurait osé l’espérer l’écrivain qui lui a prêté le secours de son talent et ménagé la publicité de la Revue. L’entente s’est faite rapidement entre les deux ministres desquels il dépendait de réaliser le projet dont la pensée avait été conçue par l’un des meilleurs agens que la France ait eus depuis longtemps en Égypte. Le ministre des affaires étrangères s’était, dans d’autres temps, intéressé tout particulièrement à l’histoire de l’Égypte moderne ; il avait visité ce pays ; mieux que personne, il savait quel rôle y avaient joué, depuis le commencement de ce siècle, les savans et les ingénieurs français, comment ils avaient été mêlés à tout ce qui s’était fait d’utile et de grand sur les rives du Nil, depuis l’exhumation de l’antiquité égyptienne par les compagnons de Bonaparte jusqu’aux fouilles de M. Mariette, depuis les réformes et les grands travaux de Mehemet-Àli jusqu’au percement de l’isthme de Suez ; nul n’était mieux en mesure de comprendre combien il importait à la France de ne pas déchoir et de ne pas abdiquer sur ce terrain, mais au contraire d’entretenir une influence déjà presque séculaire et de la fortifier, de la rajeunir même, si l’on peut ainsi parler, en lui donnant l’occasion de se produire et de s’exercer sous une forme nouvelle. De son côté, le ministre actuel de l’instruction publique a trop bien servi, depuis deux ans, les intérêts de la science et du haut enseignement, pour ne pas être frappé des résultats que l’on pouvait attendre de l’entreprise à laquelle on le conviait avec tant d’insistance.

Ce dont il s’agissait, ce n’était plus, en effet, une de ces