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cesse la possession : MM. Coumoundouros, Deligeorgis, Zaïmis et Tricoupis. Le jeu parlementaire se trouvait singulièrement compliqué par ce grand nombre de partis ; la mort s’est chargée de le simplifier et de le ramener à la lutte réglementaire de deux grandes fractions politiques. M. Deligeorgis a succombé il y a quelques mois, et M. Zaïmis il y a quelques semaines. M. Coumoundouros et M. Tricoupis se sont trouvés seuls face à face, et la chambre, faute de chefs nouveaux, a dû se partager entre eux. Ce n’est pas qu’il ne se trouve dans le monde politique grec quelques hommes de mérite qui pourraient aspirer à jouer un rôle prépondérant ; mais ceux qui l’ont tenté n’y ont pas encore réussi. Un des diplomates les plus distingués de la Grèce. M. Delyanis, a cherché à rallier sous ses ordres les amis de M. Zaïmis afin de former un tiers-parti qui aurait représenté, au milieu de l’entraînement belliqueux qui emportait le pays, les idées de prudence et de temporisation. Sa tentative n’a pas abouti, et rien ne prouve qu’elle aboutira. A moins que des événemens imprévus ne mettent en relief et en évidence des capacités inconnues, M. Coumoundouros et M. Tricoupis resteront quelque temps encore les maîtres de la situation. Ce sont deux caractères très différens, deux natures opposées et qui personnifient d’une manière remarquable les deux faces du tempérament grec, la face qu’on peut appeler ancienne, quoiqu’elle ne date que de l’indépendance, et la face contemporaine. Né dans le Magne, doué des qualités distinctives de sa race et de son pays, M. Coumoundouros représente le vieux Grec habile et courageux, habitué à se servir de la ruse pour atteindre le but qu’il poursuit, mais capable, s’il le faut, de recourir à la force et de payer de sa personne avec une aventureuse bravoure. Il a fait le coup de feu dans sa jeunesse, il recommencerait sans hésiter. Lorsqu’on cause avec lui, on est frappé de la finesse de sa physionomie. C’est surtout un homme d’affaires distingué. Parti d’une position inférieure, il s’est élevé par lui-même à la force du poignet. Un peu fataliste, comme tous les Orientaux, sa politique est des plus simples : elle consiste à diriger les événemens sans les brusquer et à les suivre s’il est impossible de les diriger. Il a passé l’âge des imprudences, une politique pacifique conviendrait à sa verte vieillesse. Mais si la Grèce veut la guerre, M. Coumoundouros sera le premier à l’y lancer. Il est trop patriote)pour résister au sentiment national ; il tient trop à sa popularité pour s’opposer aux passions populaires. La guerre amènerait la défaite ? Soit I M. Coumoundouros a connu les hauts et les bas de la fortune ; il en accepte d’avance les revers. Si la Grèce est vaincue, si elle doit se replier sur elle-même, s’enfermer dans ses montagnes arides, peu importe ! Il vaudra toujours mieux avoir été un ministre héroïque se battant pour la