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que le Péloponèse, l’Attique, les îles voulaient également y être représentés et qu’il fallait donner un portefeuille à chaque région. La présidence de la chambre alternait entre les différentes contrées ; tantôt elle devait appartenir aux uns, tantôt aux autres. Ces mœurs politiques tenaient en grande partie à l’idée que les Grecs, à l’exemple de tous, les Orientaux, se font du pouvoir. Ils le regardaient, ils le regardent encore comme une source de biens et de revenus que ceux qui la possèdent ouvrent, libéralement sur leurs amis. C’était donc un gain pour une province de posséder un ministre à la tête des affaires : une province qui n’en aurait pas eu se serait vu dépouiller de tous les bénéfices du budget et des ressources publiques. Ces habitudes sont loin d’avoir complètement disparu. Rien n’est plus curieux que la maison d’un ministre grec. Du matin au soir, elle est remplie de cliens qui fument, qui prennent des tasses de café, qui s’endorment sur les fauteuils, se promènent dans les couloirs, s’étendent sur les divans, et, quand la place manque, s’assoient tranquillement sur les marches de l’escalier. Ils viennent d’un peu partout demander une place, un service, un conseil. Quand le ministre passe, vingt personnes se jettent sur lui pour l’entretenir de leurs affaires. Ce n’est pas sans peine qu’il se dégage de cette étreinte. Le soir, l’audience est générale. Je me rappelle qu’un jour, étant allé voir M. Coumoundouros après dîner, je trouvai chez lui une foule de palikares, de bergers du Magne, sa patrie, en costumes pittoresques, d’employés, de fonctionnaires, de solliciteurs. Chacun causait, lisait, dégustait les limonades. C’est en vain que je cherchais le ministre au milieu de cette foule. Enfin, j’avise quelqu’un et je lui demande M. Coumoundouros. Il ne viendra pas aujourd’hui, me dit-on ; il passe la soirée chez le roi. » Cela n’empêchait personne de s’installer dans ses salons, d’avaler ses rafraîchissemens et de fumer ses cigarettes. Un ministre n’a pas de logement privé ; sa maison appartient, à tout le monde. L’aimable simplicité de la vie orientale s’accommode, parfaitement de ce mélange de la vie de famille et de la vie publique. La femme et les enfans du ministre vaquent à leurs occupations, au milieu des cliens, comme si la solitude était complète. Personne ne se gêne, et on ne gêne personne. Il en est de même dans les ministères. On ouvre la porte du cabinet du ministre sans s’adresser à des huissiers qui n’existent pas ; s’il est seul, on lui parle ; s’il y a trop de monde, on va faire un tour de promenade et on revient. Les Grecs pas plus que les Turcs ne semblent avoir l’idée du travail solitaire ; ils traitent les affaires publiques dans une cohue.

Avec des mœurs pareilles, on comprend l’intérêt de chaque province à être représentée au ministère. Néanmoins, Le particularisme en Grèce ne tient pas uniquement aux intérêts, il tient aux