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traitemens sont de beaucoup les moins élevés : un ministre touche 9,600 drachmes, c’est-à-dire moins de 9,000 francs ; un secrétaire-général de ministère touche 5,700 drachmes, un chef de division 4,800, le président de la cour de cassation 7,200, un conseiller à la même cour 5,400, le président de la cour d’appel 6,000, un nomarque (préfet) 5,700, un éparque (sous-préfet) 2,880, un professeur d’université 5,400. J’ai pris les plus gros traitemens ; on ne les obtient qu’après une longue et brillante carrière. Pour arriver, par exemple, à 5,400 drachmes, un professeur d’université a besoin de quinze ans de services ; des hommes du plus grand mérite, des savans tout à fait supérieurs reçoivent, comme une suprême récompense, à la fin d’une vie consacrée à l’enseignement, ces émolumens presque ridicules. Qu’on juge par là des appointemens des simples employés ! Néanmoins les fonctions publiques sont encombrées en Grèce comme en France, plus qu’en France peut-être. L’éducation exclusivement littéraire de l’université, l’absence presque complète de culture scientifique, le défaut de débouchés dans un pays où l’industrie est encore en enfance et où le génie de la race pour les grandes entreprises de crédit ne peut se donner libre cours, faute d’instrumens à mettre en œuvre, le goût instinctif des Grecs pour la politique et ce qui s’en rapproche, tout concourt à pousser la jeunesse vers la vie publique. Mais la manière dont le régime parlementaire est pratiqué en Grèce produit dans les administrations d’incessantes secousses. A chaque instant, les ministères changent ; or, chaque fois qu’un ministère change, tout le personnel administratif est modifié de fond en comble. Comment veut-on que des hommes qui n’occupent un emploi que pour quelques mois, qui ne sont payés de leur travail que d’une manière dérisoire, ne soient pas tentés d’assurer leur avenir contre les incertitudes de la fortune en employant un moyen qui a été pratiqué depuis des siècles en Orient ? Et ce n’est point l’Orient seul où fleurit ce moyen. Sous tous les climats, sous tous les régimes politiques, l’instabilité administrative amène la corruption. Elle existe aussi bien dans la république des États-Unis que dans l’empire ottoman, que dans le royaume libre de Grèce. Prenons garde de ne pas la faire naître chez nous par la pratique trop prolongée du régime d’épurations, soi-disant politiques, qui, mis à la mode depuis deux ans, risquerait en subsistant de donner à l’administration française les mœurs des administrations américaines, ottomanes et grecques.

La Grèce, il faut en convenir, aurait d’excellentes réponses à faire à ceux qui lui reprochent les imperfections de son état politique. Uniquement préoccupée de ses propres ambitions, elle réplique à toutes les critiques en affirmant que la seule cause de