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pays sont soulevés, la véritable prudence est de les résoudre immédiatement, non de les ajourner. Il serait oiseux de s’arrêter à des points secondaires et de guerroyer sur des détails ; il faut faire œuvre d’hommes politiques, marcher résolument vers un but désirable. Il n’y a plus d’études à faire : les débats du parlement, des enquêtes spéciales, des projets de loi antérieurs ont éclairé tous les côtés de la question, et il serait impossible de réunir des documens plus complets, plus clairs et plus péremptoires que ceux qui accompagnent le rapport de M. Magliani. Le moment est venu de conclure. Aucun homme sérieux ne mettra en avant l’idée de supprimer graduellement le cours forcé en appliquant les excédens budgétaires de chaque année au retrait du papier-monnaie. La France a consacré 200 millions par an au remboursement de sa dette envers la Banque, les États-Unis appliquent exclusivement au retrait de leur papier-monnaie des excédens budgétaires de plus de 250 millions. Sont-ce là les exemples dont on voudrait s’inspirer ? Quel est l’homme d’état italien qui viendra proposer au parlement l’établissement de 100 millions d’impôts nouveaux applicables au rachat du papier-monnaie ? Pourtant, si l’on ne prend ce parti, si l’on s’en tient aux excédens actuels, combien mettra-t-on d’années à en finir avec le cours forcé, même en ajournant tout dégrèvement, toute dépense utile et en comptant sur une série ininterrompue d’années paisibles et prospères ? L’abolition prétendue graduelle du cours forcé n’en serait que la prolongation indéfinie, avec son cortège de charges publiques et privées.

Plus on est convaincu de la gravité des inconvéniens inséparables de ce régime, plus on doit être pénétré de la nécessité d’y mettre un terme immédiat. C’est une mesure qui veut être prise avec résolution, qui doit être exécutée avec énergie et rapidité : si elle est accompagnée de quelques embarras, si elle entraîne quelques sacrifices, il faut accepter les uns et les autres en vue des maux plus grands encore auxquels elle portera remède, et des avantages certains qu’elle procurera à la nation tout entière. Le relèvement du crédit national doit avoir pour conséquence la hausse des fonds de l’état : cette hausse amène à son tour la baisse du loyer de l’argent et l’affluence des capitaux, conditions indispensables au développement de l’activité nationale. De si grands et si solides avantages peuvent-ils être achetés trop cher ? Il est une autre considération qui nous paraît devoir exercer une influence décisive sur les déterminations du parlement italien : c’est la question d’opportunité. La situation du marché européen est favorable pour le succès de l’opération que le gouvernement italien veut entreprendre : les capitaux sont abondans et à bon marché, ils