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On s’explique d’autant moins la prédilection de M. Magliani pour les petites coupures que les exemples qu’il invoque tournent contre lui. Il y a longtemps que les billets de cinq francs de la Banque de France ne se trouvent plus que dans les tiroirs des collectionneurs ; quant aux billets de 20 francs, il n’y a que les caisses où s’opère un grand mouvement de fonds, comme les caisses du trésor et celles des grandes institutions de crédit, qui en reçoivent encore quelques-uns de loin en loin. L’Angleterre a renoncé, pour son propre compte, au billet d’une livre sterling, qui ne subsiste plus qu’en Écosse et pour une somme peu élevée. En Allemagne et en Hollande, comme en France, les billets d’une valeur inférieure à 100 fr. ne représentent pas 1 pour 100 de la circulation fiduciaire ; en Belgique, où l’or n’a jamais été abondant, les billets de 20 francs atteignent à A et demi pour 100 de la circulation générale, et il n’en existe pas au-dessous de 20 fr. Quant aux États-Unis, le gouvernement américain, contrairement à ce que compte faire M. Magliani, a retiré toutes les petites coupures du papier fédéral ; et il se propose de retirer le reste des greenbacks dès qu’il aura terminé la conversion des rentes 5 et 6 pour 100. Il ne reste donc en circulation que les petites coupures des banques dites nationales : or, si les billets de 5 dollars représentent un peu plus de 29 pour 100 de leur émission, les billets de 1 et de 2 dollars ne dépassent guère 1 1/2 pour 100.

On ne saurait invoquer en faveur des petites coupures la difficulté que le gouvernement américain éprouve à maintenir en circulation les dollars d’argent dont le congrès lui a imposé la fabrication et l’émission. Le tort du congrès, lorsqu’il a voté le bill de M. Bland, a été de vouloir faire du dollar d’argent une arme de guerre contre la monnaie d’or et contre la suppression du cours forcé. Il en est résulté qu’immédiatement tous les établissemens de crédit, toutes les banques et toutes les grandes maisons de commission, par les mains desquelles passe la presque totalité du commerce américain, se sont coalisés et ont introduit dans leurs contrats avec leurs cliens de l’Ouest l’obligation du paiement en or. Un tort plus grave encore du congrès a été de donner au dollar d’argent un titre trop faible qui ne permettait pas de l’accepter, même comme marchandise, pour sa valeur nominale. Ce qui chasse le dollar d’argent de la circulation, ce n’est donc pas la concurrence des petites coupures du papier-monnaie, c’est l’exclusion dont il est frappé pour tous les paiemens, hormis ceux du petit commerce de détail, et la concurrence du dollar d’or, de l’aigle, qui a une valeur intrinsèque supérieure de 8 à 10 pour 100. Comme les caisses publiques sont astreintes à recevoir ces pièces de bas aloi pour leur valeur nominale, c’est avec les dollars d’argent qu’on paie surtout les impôts,