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les 21 millions qui manquent aient été détruits ou perclus. S’ils ont disparu de la circulation, c’est qu’ils sont devenus les élémens d’une foule de petits pécules. A plus forte raison, les pièces d’or ont-elles dû jouer ce rôle. M. Magliani n’est donc pas au-dessous de la vérité lorsqu’il calcule que les 650 millions de l’emprunt, en s’ajoutant aux espèces d’or, d’argent et de bronze déjà existantes, porteront à 1 milliard 200 millions les espèces métalliques dont l’Italie disposera. En ajoutant à ces 1,200 millions les 350 millions de papier-monnaie qu’il conserve et 6 ou 700 millions de billets émis par les banques, il retrouve le chiffre de 2 milliards 200 millions, qui représente l’approvisionnement monétaire actuel.

C’est par peur de trop affaiblir cet approvisionnement : que M. Magliani se croit obligé de maintenir en circulation pour 350 millions de papier-monnaie gouvernemental. Une autre crainte le saisit aussitôt, c’est qu’après l’abolition du cours forcé une circulation fiduciaire d’un milliard ne soit trop étendue pour l’Italie et ne devienne une source d’embarras financiers. Il se rassure par l’exemple de ce qui s’est passé dans tous les pays qui ont traversé le régime du cours forcé et où la circulation fiduciaire est demeurée plus considérable après la reprise des paiemens en espèces qu’elle n’avait été avant leur suspension. Le fait est exact, et il s’explique aisément. Les classes illettrées, que l’ignorance rend méfiantes, ont besoin d’être familiarisées par l’usage avec la monnaie fiduciaire, et c’est une expérience journalière qui seule les convainc qu’un chiffon de papier peut avoir une valeur effective. Leurs préventions tombent alors, et elles acceptent sans hésitation les billets qu’elles regardaient autrefois d’un œil soupçonneux. Il n’en demeure pas moins vrai que ce qui assure la circulation de la monnaie fiduciaire, c’est la confiance en sa convertibilité immédiate. Que M. Magliani n’appréhende donc point de voir l’Italie souffrir d’un excès de monnaie fiduciaire s’il peut faire pénétrer dans tous les esprits la conviction que tout billet est convertible à présentation.

C’est au point de vue de la confiance à inspirer à l’opinion publique que nous considérons comme une imprudence le maintien dans la circulation d’une partie du papier-monnaie de l’état. Deux papiers-monnaie vont se trouver en présence : d’une part, les billets du gouvernement ; de l’autre, les billets des six banques d’émission. L’acceptation des premiers sera obligatoire partout et pour toute espèce de paiement ; seulement on aura le droit de les échanger contre des espèces métalliques à certaines caisses publiques. Les seconds conserveront cours légal et, partant, valeur libératoire jusqu’au 31 décembre 1883. A part la dualité du papier-monnaie, à laquelle l’établissement du syndicat de 1874 avait eu pour objet de mettre fin et qui va reparaître, quelle différence la masse du