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bétail, en vue de l’exportation, ont pris un grand développement dans la haute Italie et y ont produit une révolution agricole comme autrefois l’introduction de la betterave dans nos départemens du Nord ; mais c’est la culture maraîchère qui paraît devoir être pour les agriculteurs italiens une source d’énormes profits. Les chemins de fer permettent maintenant à l’Italie d’expédier aisément dans les régions froides et brumeuses de la Suisse et de l’Allemagne les fruits, les primeurs et les légumes que le soleil fait croître et mûrir sans effort sur son sol. A la fin de l’été, c’est par trains complets que les raisins de table s’acheminent vers le Nord pour occuper la place d’honneur dans les agapes des cours et des casinos germaniques. Les profits qu’on retire de certaines cultures ont accru dans une proportion presque invraisemblable la valeur de la propriété foncière, et M. Magliani cite, aux environs de Sorrente, des terrains consacrés à la production des câpres qui se vendent 24,000 francs l’hectare.

Ce sont là des faits et des chiffres éloquens ; mais voulons-nous vérifier, par une contre-épreuve sérieuse, l’étendue des progrès réalisés par l’Italie ? Nous avons deux élémens de contrôle : la situation des caisses d’épargne et le cours des fonds publics. Les dépôts des caisses d’épargne s’élevaient en 1865 à 225 millions ; en juillet 1880, ils avaient dépassé 891 millions : ils ont donc quadruplé en quinze années. Quant aux dépôts en comptes cour an s, avec ou sans intérêts, effectués dans les banques d’émission, les banques populaires et les institutions de crédit, le chiffre s’en est accru, en moyenne, de 100 millions par année. Une partie des capitaux produits par le travail national se place dans les rentes italiennes, puisque ces rentes, émises à l’étranger, repassent peu à peu les Alpes : or le prix s’en est élevé sans interruption aux bourses de Florence et de Rome, du cours moyen de 65.40, en 1865, à 84.42, qui est le cours moyen d’octobre 1880.. Ne soyons point surpris de ce rapide développement de l’épargne italienne : nous avons vu le même fait se produire en France, sur de bien autres proportions, après nos derniers malheurs. Les nations agricoles sont plus économes et plus soucieuses d’épargner que les nations industrielles. Les bénéfices de l’industrie sont bien plus considérables que ceux de l’agriculture ; mais quelle est la première pensée qui vienne à l’esprit d’un manufacturier lorsqu’il dresse son inventaire à la fin d’une année fructueuse ? C’est qu’avec un nombre double de broches ou de métiers, il aurait réalisé un bénéfice double, et par un entraînement presque irrésistible, il consacre ses gains, et souvent le produit d’emprunts, à accroître son outillage, que le ralentissement des affaires peut condamner brusquement à l’inaction. Des capitaux considérables s’immobilisent en constructions et en matériel : les