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compliqués auxquels M. Magliani s’est livré pour établir que, si l’on déduit du change la prime de l’or sur le papier, le change à vue sur Paris aurait été, depuis quelques années, presque constamment en faveur des places italiennes. Le ministre reconnaît lui-même que les résultats qu’il obtient par ce procédé artificiel laissent prise au doute ; ils ne sauraient par conséquent peser d’un poids décisif dans la discussion. En revanche, il est impossible, dans l’appréciation des rapports de l’Italie avec l’étranger, de ne pas tenir compte des valeurs étrangères, notamment des valeurs autrichiennes et suisses qui sont possédées par des sujets italiens, surtout dans la Vénétie, et du papier sur la France et l’Angleterre, qui tient une place notable dans le portefeuille des banquiers italiens. En outre, les économies que rapportent annuellement les sujets italiens qui vont exercer pendant quelques mois leur industrie dans les pays voisins, et les dépenses auxquelles se livrent les visiteurs étrangers qui viennent hiverner en Italie, doivent être considérées comme de véritables recettes, se traduisant par des millions. Enfin nous remarquons qu’il résulte d’un des tableaux publiés par M. Magliani que les paiemens en or, effectués à Paris pour le service de la rente italienne, se sont accrus de 20 millions. c’est-à-dire de 50 pour 100 depuis trois ou quatre ans. Si, comme nous sommes disposés à le croire, à raison de la coïncidence de ce fait avec la hausse excessive qui s’est produite sur toutes les valeurs françaises, cet accroissement provient de placemens faits par nos nationaux en rentes italiennes, ces 20 millions représentent un capital considérable qui a passé les monts. Si, comme semble le penser M. Magliani, la plus grande partie de ces rentes sont à l’état flottant sur notre marché, et, bien que dénationalisées en apparence par l’artifice du report, n’ont pas cessé d’être possédées par des capitalistes italiens, toujours est-il qu’il y a 20 millions d’or qui, de façon ou d’autre, par les diverses voies du commerce, doivent reprendre annuellement le chemin de l’Italie. Tout cet ensemble de faits concourt à fortifier la présomption que les espèces métalliques, une fois ramenées en Italie, n’en seront pas retirées par l’importance des paiemens à faire à l’étranger.

Tous ces points, au surplus, nous paraissent secondaires : la question capitale, à nos yeux, est celle-ci : l’Italie mène-t-elle, comme a fait l’Allemagne après l’encaissement de notre rançon, l’existence d’un prodigue ? S’est-elle jetée dans de folles spéculations ? A-t-elle multiplié les dépenses inutiles et improductives ? S’est-elle appauvrie ou suit-elle les autres nations dans la voie du progrès ? On admet généralement que le rendement des impôts est un sûr thermomètre des progrès de la richesse générale ; or, si l’on excepte l’impôt sur la mouture et l’impôt sur la fortune