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l’établissement d’un agio croissant sur l’or, la dépréciation des produits nationaux, renchérissement des produits étrangers.

Dès 1868, une enquête parlementaire constatait le préjudice que l’établissement du cours forcé, qui durait depuis trois années, avait porté au commerce et à l’industrie de l’Italie ; mais ce n’était pas lorsqu’on pouvait malaisément couvrir, au moyen d’emprunts onéreux, les déficits annuels du budget qu’il pouvait être question de retirer de la circulation le papier-monnaie qu’on y avait jeté à profusion. Ministres des finances, commissions du budget, orateurs parlementaires durent donc se borner à constater et à déplorer annuellement l’existence du mal. Tout au plus, le gouvernement italien s’efforça-t-il, par les mesures législatives de 1874, d’apporter quelque régularité et quelque contrôle dans les émissions du papier-monnaie. C’est en 1877 seulement qu’un projet de loi présenté par MM. Depretis et Maiorana-Calatabianco, et le rapport qui était joint à ce projet, appelèrent l’attention la plus sérieuse du parlement sur la nécessité de mettre fin au cours forcé. Aucune suite n’avait pu être donnée à ces excellentes intentions : il était réservé au ministère actuel de faire sortir l’abolition du cours forcé du domaine des simples espérances. Un projet de loi dont la discussion va commencer au sein du parlement italien propose de faire cesser le cours forcé à partir du 1er juillet 1881.

C’est là un pas décisif, et il est à espérer que le parlement italien n’hésitera pas à suivre le gouvernement dans cette voie. Si la présentation du projet de loi accuse chez le ministre des finances, M. Magliani, une décision, une fermeté de vues et un sens politique auxquels il est impossible de ne pas rendre hommage, l’exposé des motifs ne fait pas moins d’honneur à ses connaissances économiques et à son esprit pratique. Ce travail remarquable demeurera comme un tableau fidèle et lumineux de la situation financière et économique de l’Italie.

M. Magliani commence par exposer les inconvéniens que le cours forcé a eus pour l’Italie : l’élévation du taux de l’escompte, la dépréciation du papier-monnaie, l’incertitude que les perpétuelles variations dans la valeur de ce papier entretiennent dans les opérations commerciales, l’avilissement des produits nationaux. Il semble même, à première vue, que le ministre apporte dans la démonstration d’une thèse qui ne saurait être sérieusement contestée, une surabondance d’argumens. M. Magliani prend, en effet, l’une après l’autre, toutes les branches de l’industrie et du commerce, et il établit par le chiffre des importations et des exportations le tribut que chacune d’elles a payé au cours forcé par suite de l’escompte, qui a toujours été de 2 et de 3 pour 100 plus élevé en Italie qu’en Angleterre, en France et en Allemagne, et, surtout