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d’échange, car en fin de compte les produits ne se paient qu’avec d’autres produits ou avec du travail : il est donc de l’intérêt général d’adopter, pour ce rôle temporaire, l’instrument d’échange, le signe conventionnel le moins coûteux possible. On n’estime pas à moins de 80 milliards la valeur des espèces d’or et d’argent que les nations civilisées maintiennent actuellement en circulation pour le règlement des échanges de particulier à particulier et de peuple à peuple. Si la moitié seulement de cet énorme capital, aujourd’hui complètement improductif, était remplacée par du papier qui ne coûterait presque rien, si 40 milliards de métaux précieux étaient restitués aux usages industriels qu’ils peuvent recevoir, ne serait-ce pas une addition immédiate à la richesse universelle, ne serait-ce pas un bienfait pour l’humanité ?

Telle est la thèse que soutenait avec une grande abondance d’argumens un financier en renom que la mort vient d’enlever, et qui a beaucoup fait pour populariser en France l’usage de la monnaie fiduciaire et de tous les instrumens de crédit. Il est superflu d’en faire ressortir le côté erroné. Si les particuliers ou les établissemens de crédit négligent de tenir leurs engagemens, l’état est là pour les leur rappeler et, au besoin, leur en imposer l’exécution ; mais qui exercera le même contrôle sur l’état, si celui-ci n’a point ou la volonté ou les moyens d’être fidèle à ses promesses, et les exemples sont-ils si rares de gouvernemens qui manquent à leurs engagemens ? Les affaires ont pris en France, depuis un demi-siècle, un développement véritablement prodigieux sans que la somme des espèces métalliques se soit accrue, l’or s’étant seulement substitué à l’argent dans la circulation : il n’y a aucune comparaison à établir entre le nombre et l’étendue des opérations qui se soldent par les diverses voies du crédit et celles dans le règlement desquelles intervient un paiement en numéraire. L’emploi des espèces métalliques se réduit donc de jour en. jour et dans une proportion sensible, mais sans que l’importance de leur rôle en soit en rien diminuée. Nos membres ne gardent leur force et leur agilité qu’à la condition que l’estomac continuera ses fonctions ; de même la monnaie fiduciaire et les autres instrumens perfectionnés du crédit ne peuvent rendre tous les services qu’on attend d’eux qu’à la condition indispensable d’avoir pour point d’appui une circulation métallique à laquelle il soit possible de recourir pour le règlement définitif des transactions.

Cette nécessité est surtout impérieuse en ce qui concerne les rapports internationaux. Un état, si puissant qu’il soit, ne saurait astreindre les sujets d’un autre état aux règlemens et aux obligations qu’il impose à ses propres nationaux : son autorité expire à ses frontières. Il faut donc, pour les transactions internationales, disposer d’un instrument d’échange qui, non-seulement, soit d’un usage