Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

procureur-général sont censés désigner chacun trois candidats au ministre. Nous voudrions que les compagnies où se produit la vacance fussent investies du droit de présenter des candidats. De leur côté, les jurisconsultes exerçant dans le ressort se réuniraient, en une assemblée séparée, pour dresser une liste. Le garde des sceaux serait placé de la sorte entre deux listes exprimant des besoins et contenant des aptitudes diverses ; l’une répondant à la tradition des corps judiciaires, l’autre apportant dans ces compagnies un peu renfermées l’air du dehors, grâce au mouvement du barreau, à la pratique des affaires et à la science de l’école.

La cour de cassation serait assurément fort compétente pour dresser sa liste. Avant de la faire, elle pourrait demander à chaque cour d’appel de lui désigner un candidat. Mise en possession de ces divers noms, elle aurait en main les élémens les plus sûrs de son choix. Auprès d’elle et en dehors de son action directe, s’assembleraient les jurisconsultes : les plus anciens avocats à la cour de cassation, le bâtonnier et les anciens bâtonniers de Paris, le doyen et une délégation de la faculté de droit de Paris. Si on ne jugeait pas possible de déplacer les bâtonniers de l’ordre près chaque cour d’appel et le doyen de chaque faculté de droit, dont la présence assurerait à l’assemblée une haute compétence, le bâtonnier et le doyen de la faculté de Paris devraient recueillir avant la réunion les avis de leurs confrères. Qu’on se figure ces deux assemblées rédigeant leurs présentations, et qu’on cherche quel est l’homme éminent qui n’aurait pas été assuré d’y figurer. Oui, nous en tombons d’accord, le magistrat sans notoriété dans sa province, l’avocat privé de toute autorité en son barreau ne pourra plus rêver de parvenir à la cour suprême par un coup de faveur politique ; mais en revanche que d’hommes distingués dont l’influence locale est puissante et dont le nom sera présenté dans cette assemblée assez nombreuse pour connaître tous les mérites, assez restreinte pour échapper aux courans politiques ! Par la force des choses, il se fera une sorte de roulement en vertu duquel la cour de cassation présentera tour à tour des magistrats de Paris et de province, tantôt des magistrats inamovibles, tantôt des membres du ministère public. L’assemblée des jurisconsultes agira de même : à une présentation portant sur un professeur de droit succédera la présentation d’un avocat, et ainsi le ministre de la justice verra successivement passer devant lui tous ceux qu’entoure un crédit légitime.

Si cette méthode tient compte des trois élémens que nous voulons pondérer, si elle respecte la tradition des corps judiciaires, l’opinion extérieure des jurisconsultes compétens et l’autorité gouvernementale, pourquoi ne pas l’appliquer au recrutement des cours d’appel ? La cour, à chaque vacance, présentera ses candidats.