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L’expérience avait dépassé toutes les prévisions, et, en décembre 1876, les juges du concours, en voyant comment étaient sortis de l’obscurité des hommes de savoir et de mérite pour lesquels la magistrature ne se serait ouverte que très tard et très difficilement, auraient été bien étonnés si on leur eût dit que cette réforme serait abandonnée par des politiques se disant partisans de l’égalité des droits. La cause des concours semblait gagnée. Elle l’était en effet pour tous les esprits sérieux. Les concours qui eurent lieu à Paris en 1877 et en décembre 1878, ceux de Caen et de Toulouse en 1878, furent marqués par les découvertes les plus heureuses d’intelligences mûries par le travail et dignes d’honorer la justice. Les rapports s’accordaient à louer la valeur des concurrens, et ceux qui se sont trouvés en contact avec ces jeunes esprits savent quelles espérances ils permettaient de concevoir. Aujourd’hui, le règlement d’administration publique est délaissé, et la plupart des substituts sortis des concours sont révoqués. Au mode de recrutement le plus démocratique les derniers ministres ont préféré celui qui nourrit de faveurs l’avidité des partis. Quand le tourbillon des appétits et des haines aura passé sur nos têtes, le concours reprendra la place qu’il a conquise et que magistrats, professeurs de faculté et avocats s’accordent désormais à réclamer pour lui.

Seulement il faudra surveiller strictement les épreuves pour que la capacité des concurrens n’en hausse pas indéfiniment le niveau. Le concours tel que nous le comprenons à l’entrée de la magistrature n’est pas destiné à vérifier uniquement la science des candidats. Docteurs en droit, ils savent assurément ce que la chancellerie doit exiger d’un jeune magistrat. Ce qu’il s’agit d’apprécier, c’est la valeur de leur esprit, la sûreté de leur jugement, ce.que vaut leur style, en d’autres termes, comment ils sauraient exprimer leur pensée à l’aide de la plume ou de la parole. Voilà le vrai sens de l’épreuve, il serait périlleux d’en faire un examen de mémoire. Au lieu de refuser les livres, nous voudrions en multiplier le nombre, afin de mieux juger ce que le discernement des candidats saura tirer de l’abondance même des matériaux. De l’examen sortiraient vainqueurs non les candidats les plus brillans, mais ceux qui auraient montré l’esprit le plus juste, le sens le plus droit, la meilleure méthode et cet ensemble de qualités qui font le vrai magistrat.

C’est ici que commence pour le jeune docteur en droit le noviciat judiciaire. Nommé auditeur près d’un tribunal important, il serait appelé à participer avec ce titre, pendant trois ou quatre années, aux travaux des juges et du parquet. Il assisterait aux audiences et aux délibérations de la chambre du conseil, mais il