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Elle ne nous semble pas déraisonnable, mais inutile. Nous suivons avec intérêt les calculs des partisans de la réduction ; nous approuvons les nouveaux ressorts habilement découpés, les départemens groupés suivant leurs affinités naturelles, mais tous ces projets s’écroulent quand nous nous demandons le profit positif que la magistrature en tirera. S’il y avait des cours ne comprenant que dix membres, certes il serait nécessaire de réunir deux d’entre elles pour constituer des compagnies solides, mais elles dépassent vingt. Bien avant ce chiffre, l’esprit de corps se développe et l’autorité de la compagnie s’exerce. Elles sont trop peu occupées, dit-on ; nous en tombons d’accord, mais est-ce une raison de les détruire, et ne peut-on commencer du moins par diminuer le personnel ?

C’est la seule mesure qui nous paraisse opportune. Nous sommes touchés, nous l’avouons, du désir de ne rien bouleverser dans les lignes générales de notre organisation judiciaire. Ce qui a duré quatre-vingts ans, en un pays mobile comme le nôtre, est sacré. Au centre des ressorts se sont formées des habitudes, sont nées des traditions, ont grandi des barreaux qu’il serait impolitique de briser à la légère. A coup sûr, on pourrait faire mieux, il serait facile de tracer des ressorts d’une main plus large, mais à ces créations artificielles combien faudrait-il d’années pour donner la vie ? Là est la question que le temps seul, et non le caprice des hommes, peut résoudre. D’ailleurs, quelle étrange contradiction que d’avoir sans cesse à la bouche le mot de décentralisation et de porter à certaines villes un coup mortel, qui augmentera le courant d’émigration vers les grands centres ! Laissons debout ce qui existe, profitons de ce qui est bien, et ne touchons qu’aux abus démontrés par l’expérience.

Il en est un que signalent presque tous les magistrats. Pourquoi juger à sept les affaires civiles ? comment la loi ne fixe-t-elle pas à cinq le nombre des conseillers nécessaires à la validité d’un arrêt ? En matière d’appel correctionnel, c’est le chiffre voulu par la loi. Pourquoi ne pas le rendre général ? Cette observation est d’autant plus juste que les nécessités du service augmentent le plus souvent le nombre des magistrats qui siègent. Dans les intervalles des sessions d’assises, dans les temps où la cour est au complet, les arrêts sont rendus par neuf et dix conseillers. En ramenant le minimum de sept à cinq, les conseillers seront en réalité plus souvent sept que cinq. On s’alarme des non-valeurs, dont l’influence serait accrue. Il faut bien se convaincre que les juges médiocres sont plus dangereux dans des délibérés où le nombre excessif des magistrats permet à des courans subits de déplacer une majorité que dans des réunions de cinq, six ou sept conseillers, où la