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bruyères sans arbres me séduisent médiocrement ; je l’ai donc laissé partir seul et, décidé à prendre un bain de verdure, je suis allé rejoindre la Payse et Jemima, qui travaillent à une étude aux environs du hameau du Jug.

J’ai suivi le petit sentier en corniche qui côtoie les falaises dans la direction de la plage du Riz, et qui est bordé de beaux arbres à travers lesquels on entrevoit la baie éblouissante. Ce sentier est charmant ; à chaque détour, il vous offre une surprise et on y fait toujours de nouvelles découvertes. — Ici, c’est une fontaine alimentant un lavoir en plein air, où des paysannes, la coiffe au vent, battent leur linge en jasant dans leur langue énergique et gutturale ; là, une prairie à l’herbe touffue, bordée de hauts talus sur lesquels poussent vigoureusement des chênes et des platanes ; plus loin, des masures au toit moussu dorment éparses sous une haute futaie où des rouges-gorges modulent délicatement leur chant d’arrière-saison. Les essences d’arbres y sont aussi variées que dans une forêt : les frênes, les hêtres et les ormes y élancent leurs troncs droits, couronnés d’une feuillée épaisse ; des châtaigniers y étalent largement leur frondaison vernissée, et, sur des tertres qui dominent la baie, des bouquets de pins maritimes étendent horizontalement leurs ramures d’un gris argenté. — Ajoutez à cela l’abondance des fleurs sauvages qui restent plus longtemps fleuries dans cette robuste fraîcheur. Les talus sont semés de magnifiques digitales rouges et de bruyères tetralix à fleurs roses ; les scabieuses et les chèvrefeuilles foisonnent dans les haies ; et c’est à travers cette profusion de branches vertes et de plantes épanouies qu’on chemine jusqu’à la sinueuse vallée du Riz, qui vient déboucher au fond de la baie.

Cette plage du Riz est certainement prédestinée à devenir une station balnéaire. Elle a tout pour séduire un spéculateur entreprenant : la fraîcheur attrayante de la verte vallée qui fuit derrière elle ; l’encadrement décoratif des rochers qui la bordent à droite et à gauche, et où se creusent des grottes profondes aux belles couleurs veinées de rouge et de jaune ; l’ample étendue de son tapis de sable, et la vigueur des lames qui accourent directement du milieu de la baie, hautes, larges et majestueuses. — Pour le moment, elle n’est hantée que par des peintres et de rares baigneurs qui font à pied le trajet de Douarnenez au Riz.

Il est deux heures. La mer est d’un bleu vert. À gauche, les falaises d’un jaune d’ocre, couronnées de gazon, sont baignées de soleil ; le Méné-hom a une auréole de buée lilas, et tout au loin, à l’entrée de la baie, on aperçoit, à peine distincte, la pointe grise du cap de la Chèvre. — À droite, des rochers d’un noir humide sortent de l’eau lumineuse ; les futaies de Ploa-Ré, les prés et les