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lesquels devaient rendre compte de l’état de la place de Paris, de ses moyens de défense en cas de siège, des approvisionnement de toute espèce, etc.

Le conseil réuni, le duc d’Otrante annonça le motif pour lequel il avait été convoqué et invita les membres à faire connaître leur opinion.

Personne n’étant préparé pour une discussion de cette nature et n’ayant demandé la parole, le président interpella brusquement celui qui écrit ces lignes, M. Clément, l’un des secrétaires de la chambre des représentans avec lequel le duc avait eu des fréquens rapports depuis la réunion des chambres, ce qui avait établi entre eux une espèce de familiarité : il l’invite à ouvrir la discussion.

M. Clément, un peu étonné de cette interpellation, répondit que, n’étant pas militaire, il ne pouvait avoir d’opinion dans une pareille affaire, qu’il s’en formerait peut-être une quand il aurait entendu MM. les maréchaux qui faisaient partie du conseil. Il exprima surtout, mais avec beaucoup de réserve et de déférence, le désir de connaître l’opinion de M. le prince d’Essling, qui s’était illustré par la défense de Gênes et qui lui paraissait parfaitement en état de juger si Paris pouvait être défendu, en cas d’attaque.

Le duc d’Otrante invita alors le prince d’Essling à faire connaître son opinion. Celui-ci ne put se dispenser de prendre la parole ; mais, soit parce qu’il n’était pas préparé à parler, soit parce que ses facultés s’étaient peut-être déjà un peu affaiblies, il ne dit rien qui pût éclairer le conseil et faciliter une discussion ; il se renferma dans des généralités et ne conclut point.

Après M. le prince d’Essling, deux secrétaires de la chambre des pairs parlèrent successivement et avec une grande violence. Ils exprimèrent l’un et l’autre l’avis qu’il fallait livrer bataille, ne fut-ce que pour l’honneur de nos armes. L’un de ces orateurs ayant dans son discours prononcé quelques mots qui semblaient être une attaque contre M. le prince d’Eckmühl, celui-ci s’en émut, et, se levant immédiatement, demanda la parole avec une grande vivacité.

Il dit qu’il n’ignorait point qu’on répandait dans Paris le bruit qu’il n’était point disposé à se battre ; que c’était une infâme calomnie contre laquelle il protestait de toutes les forces ; de son âme. Il ajouta qu’il ne demandait au contraire qu’à se battre et qu’il était prêt à livrer bataille dès le lendemain si le gouvernement l’y autorisait.

Ces paroles ayant été prononcées avec beaucoup de chaleur et l’accent de la plus grande loyauté, le duc d’Otrante craignit qu’elles ne produisissent sur les membres du conseil un effet contraire à celui qu’il paraissait désirer ; il essaya en conséquence d’embarrasser le prince d’Eckmühl, le sommant en quelque sorte de dire si, en demandant avec autant d’assurance a livrer bataille, il croyait pouvoir répondre de la victoire. Ce furent ses propres expressions.