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peseur juré de diphtongues, cela va sans dire, et il écrivait beaucoup trop et dans des circonstances trop pressantes pour avoir le temps d’éviter les répétitions ou de rechercher les tours de phrase élégans. Sa pensée en sortant s’habille comme elle peut da premier mot qu’elle rencontre ; si le mot est heureux, c’est tant mieux ; s’il est faible, c’est tant pis. Ce qui est certain, c’est qu’en dépit de ces inégalités et à cause de ces inégalités même, son style est bien fait à l’image de son caractère. Il lui faut la phrase courte, sans incidentes ni parenthèses, telle que l’aiment les pensées simples et les esprits tout d’une pièce. Les longues périodes ne sont point son fait non plus que les pensées compliquées ; il s’y débrouille mal et manque de patience pour en suivre les mouvemens ou d’adresse pour en relier les parties. Jamais homme ne fut moins fait pour le style de rhéteur ou d’académie. Mais il y a en lui un véritable écrivain en puissance, qui n’a pas eu le temps de se développer ni même de se reconnaître : on le sent au vigoureux relief des expressions et à la forte couleur dont la phrase est empreinte lorsque les rencontres sont heureuses. One seule fois cet écrivain a eu l’occasion et le loisir de se révéler, c’est dans le Mémoire justificatif sur Hambourg, et ce document suffit pour nous laisser deviner ce qu’aurait été Davout comme écrivain s’il avait livré sa vie à la pensée aussi complètement qu’il l’avait livrée à l’action.


IV

Davout, ne devant rien à la première restauration qu’une demi-persécution, répondit sans hésiter au premier appel de Napoléon après le retour de l’île d’Elbe. Nommé ministre de la guerre, il servit son ancien maître pendant les cent jours avec cette activité qui lui était ordinaire et cette fidélité invulnérable que n’avaient pu entamer ressentimens ni dégoûts. Les présens mémoires nous offrent peu de documens nouveaux sur son ministère jusqu’à Waterloo ; nous avons eu occasion, dans le cours de cette étude, d’en citer les principaux, la correspondance avec Oudinot et la lettre à Rapp, à laquelle nous aurions pu ajouter une lettre du même l’on écrite à Soult pour le prier de ne pas contrecarrer par ses ordres ceux qu’il donnait lui-même. Des documens restant, le plus curieux est un rapport à l’empereur sur un certain baron saxon du nom de La Sahla. Ce personnage, convaincu d’avoir voulu assassiner Napoléon en Allemagne, s’était fait envoyer par Vandamme à Davout, prétextant qu’il était rallié à la cause de l’empereur et montrant comme preuves de sa véracité des passeports qu’il prétendait avoir obtenus du ministère prussien sur la promesse d’une nouvelle