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le dit dans une relation de la défense de Hambourg écrite sous sa dictée par le général César de Laville.

Cette relation curieuse à tous les titres débute par une apologie de la conduite du prince d’Eckmühl pendant la campagne de 1812 et des résolutions qu’il recommanda à diverses reprises durant le cours de l’expédition. On y lit ces paroles qui portent leur commentaire avec elles. « L’histoire impartiale dira que c’est peut-être aux méfiances qui furent manifestées dès le commencement de la campagne envers ce chef (Davout) et à l’inconcevable confiance que Napoléon eut en deux hommes dont la conduite a prouvé plus tard la légèreté, que peuvent être attribués, en grande partie, les malheurs d’une campagne dans laquelle les troupes françaises de toute arme montrèrent plus de calme qu’à aucune époque, mais dans laquelle la direction a manqué. Napoléon fit cette guerre plutôt en empereur qu’en général. Dans le moment décisif, après la bataille de la Moskowa, il était malade, et la grande direction de l’armée était entièrement livrée à Berthier, prince de Neufchâtel, et surtout au prince Murat, roi de Naples. Peut-être cette campagne, qui après l’événement a été qualifiée d’extravagance, aurait-elle eu d’autres résultats et eût-elle décidé irrévocablement la grande lutte entre le nord et le midi de l’Europe sans quelques fautes capitales dont la source se trouva dans la funeste influence dont j’ai parlé plus haut. » Ainsi l’opinion du maréchal est formelle et peut se résumer ainsi : la catastrophe ne dit pas que le succès fut impossible, elle dit qu’il fallait à cette campagne d’autres chefs, d’autres mesures, et chez l’empereur un meilleur état de santé.

Ce n’est pas tout encore ; il est une dernière raison la plus probante de toutes, quoiqu’elle soit purement psychologique. Sa correspondance nous le dit ; depuis 1810, son inaction lui pesait précisément à cause des relations de froideur ou il était avec Napoléon) ; il aimait trop ardemment ce personnage fascinateur pour ne pas souffrir démesurément de la défaveur voilée qui les tenait éloignés l’un de l’autre. Dès lors comment n’aurait-il pas salué avec une joie secrète une entreprise qui lui donnerait de nouvelles occasions de victoires et lui permettrait par leur moyen de se redresser devant l’empereur et de lui dire : Quel est donc celui de vos compagnons d’armes qui vous a mieux servi, surtout qui peut mieux vous servir que moi ? Ce qui prouve qu’il y eut beaucoup de ce sentiment chez Davout, c’est le zèle extraordinaire qu’il montra dans toute cette campagne, zèle qui n’échappa pas à l’attention de ses ennemis et dont ils se firent une arme contre lui auprès de l’empereur. D’un homme aussi circonspect tout se remarque, et il est visible que Davout se prodigue par l’action et par le conseil. On sent qu’il a mis tout son cœur non-seulement à travailler pour sa part au