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périls. S’ils partaient quand même, le rôle des canonnières commençait. Elles ne devaient considérer aucun bâtiment commerçant avec le Tabasco comme régulièrement expédié que s’il avait eu affaire, à l’arrivée comme au départ, à la douane de la Frontera, qui percevait tous les droits. Cela ne suffisait pas. En outre de cet acquittement de droits, on exigerait de ces bâtimens neutres, avec toute la politesse possible, un déchargement presque entier sous le prétexte de s’assurer qu’ils n’avaient aucune contrebande de guerre. Il était probable que cette accumulation de mesures désagréables, subies tout d’abord par deux ou trois navires, détournerait les autres de s’y exposer.

Le commandant venait à peine de transmettre ces propositions au maréchal qu’il en reçut une dépêche où se montrait toute l’incertitude dans laquelle on était à Mexico. Le maréchal demandait en effet si l’expédition de Tabasco pouvait se faire dans de bonnes conditions en rivière, en ne débarquant les troupes qu’à San-Juan-Bautista. Le commandant eût pris le 2e zouaves, alors prêt à s’embarquer pour l’Europe sur le Rhône. Mais il était bien entendu qu’aucune garnison ne serait laissée au Tabasco, qui s’organiserait avec ses propres ressources. A quoi bon alors ? c’était frapper dans le vide et avoir tout le souci et toute la peine de ce coup inutile. Le commandant répondit pourtant qu’il serait prêt dans dix jours à la condition d’avoir tout le 2e zouaves et de garder le Tabasco quinze jours au moins[1].

Si le maréchal n’acceptait pas, c’est que son offre n’était point sérieuse et qu’il voulait seulement se donner l’apparence d’être disposé à l’expédition. Le prendre au mot avec les restrictions qu’il imposait eût été un coup de tête de jeune homme. On ne devait pas s’exposer à l’échec de ne réussir que vingt-quatre heures. D’ailleurs la clause de s’en aller immédiatement après l’occupation était inadmissible pour quiconque connaissait le pays. Ce n’eût pas même été le succès d’une heure, c’eût été remettre en question le peu de prestige et d’influence que nous avions si péniblement conquis.

Le maréchal, ainsi mis en demeure, renonça de nouveau à l’expédition de Tabasco et se contenta d’autoriser toutes les mesures du commandant Cloué pour le blocus.


HENRI RIVIERE.

  1. En disant « le Tabasco, » il s’agit particulièrement, au point de vue militaire, de l’occupation des villes de Tlacotalpam ou San Juan-Bautista.