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Papantla ne se fit pas. Ce ne fut pas faute d’insistance de sa part. Il n’était pas douteux que la ville ne dût être bientôt encore attaquée et, si on la perdait, elle nous coûterait cher à reprendre, car les cerros, à cause de leur grande élévation, étaient presque inattaquables avec le canon des canonnières. Il n’était donc pas trop d’une garnison solide pour maintenir le bon esprit des habitans et la confiance que le succès venait de leur inspirer. Mais le maréchal n’avait pas de troupes à mettre à Tuspan et recommanda seulement d’organiser les gardes rurales et de les disposer à se bien défendre. Privé de moyens effectifs, le commandant suivit du moins avec assez de machiavélisme, si l’on pense à ses préventions contre les Llorente, la recommandation du maréchal. Il écrivit au colonel au sujet de sa belle conduite, que rien n’avait fait prévoir : « Bravo, monsieur le colonel ! bon sang ne saurait mentir, » et il ajoutait en parlant des habitans : « La conduite de vos concitoyens a été au-dessus de tout éloge. Désormais lorsqu’on parlera d’eux, on dira : les braves de Tuspan. » — C’était les prendre par l’amour-propre, mais les poltrons ont par malheur trop d’esprit pour croire sérieux ce qu’on leur dit de flatteur sur leur bravoure.

Telle quelle, cette nouvelle affaire de Tuspan n’était qu’un accident, mais elle avait contribué, par la nécessité d’envoyer des navires et des hommes, à compromettre cette expédition de Tabasco, dont le commandant ne perdait encore ni le désir ni l’espoir. De plus, par contre-coup, toute la terre-chaude s’était mise en mouvement. Le frère de Porfirio Diaz, était à la Samaloapam avec des forces. Alvarado était menacé par les libéraux du Cocuite et de Tlaliscoyan et les moindres détachemens qu’on eût pu mobiliser devenaient nécessaires pour protéger Vera-Cruz.

Les deux troupes dissidentes qui avaient opéré contre Tuspan s’étaient séparées à Tchuelan. Les guérilleros de Papantla s’étaient retirés chez eux, et les troupes du Nuevo Léon avaient pris la route de Huanchinango, pour aller se joindre aux forces commandées dans cette ville par les chefs Cabriote père et fils, riches Italiens qui employaient leur immense fortune à maintenir le pays en état de révolte.

D’autres causes, toutes personnelles à la marine, contraignaient aussi le commandant de la division de surseoir à tout projet d’expédition. D’abord le Rhin venait de s’échouer dans un ouragan à Mazatlan, de l’autre côté de l’Atlantique, il est vrai, mais le maréchal avait d’abord songé à le faire remplacer par un des transports de Vera-Cruz. Il n’y eut pas lieu, car le ministre, averti au moins en même temps, devait avoir et avait avisé déjà. Puis, si les illusions qu’on s’était faites au Mexique sur la prochaine cessation des