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environ, qui s’étend principalement le long de la rivière et fort peu en largeur. Les maisons sont généralement basses, à un rez-de-chaussée simple ou à un étage peu élevé, avec verandah. Beaucoup sont en pierre, mais la majorité en pisé et couvertes de chaume. Toutes ont de grands jardins très boisés. Elles sont espacées dans les rues principales et isolées dans les faubourgs. Au bord même de la rivière sont deux cerros dominant toute la ville et une partie des collines environnantes. Celui de l’ouest est le cerro de la Cruz, celui de l’est le cerro de l’Hôpital. Chacun d’eux avait une ou deux pièces de 18 sur une plate-forme palissadée.

Le commandant du Colbert, le capitaine de frégate Joubert, avait, dès son arrivée, organisé la défense de la ville en y ajoutant 36 marins de son équipage, divisés en trois pelotons. Deux de ces pelotons commandés par MM. Fenoux et de Tesson, enseignes de vaisseau, occupaient le cerro de la Cruz et celui de l’Hôpital. Le commandant, avec le troisième, liait les communications d’un cerro à l’autre et défendait diverses barricades. La garnison mexicaine se groupait dans la proportion d’un nombre triple ou quadruple autour de chaque peloton de Français. On distinguait dans ses rangs un des fils de M. Llorente, le colonel Enrique, qui, ce jour-là, parut secouer tout à fait l’influence paternelle et se rallier franchement à l’empire. L’ennemi, composé en majeure partie de troupes régulières du Nuevo Léon, attaqua dans le milieu du jour et parvint à tourner les positions du centre en abordant la ville par des chemins où l’on n’eût pas supposé qu’il pût se risquer à cause des excessives difficultés du terrain, tantôt marécageux, tantôt très fourré. Les Mexicains qui l’accompagnaient ayant lâché pied, le commandant Joubert se trouva pris tout à coup sur son flanc droit et par derrière. Il faisait nuit alors, et le combat n’avait pas cessé un seul instant. Afin de ne pas être fait prisonnier avec ses huit hommes, le commandant Joubert se vit dans la nécessité de s’embarquer. Il n’avait plus qu’à aller chercher des renforts le plus promptement possible et dut passer la barre en pleine nuit. Il était très inquiet, car il ne doutait pas que l’ennemi, maître du milieu de la ville et isolant les cerros l’un de l’autre, ne tournât toutes ses forces sur l’un d’eux et ne l’emportât. Aussi crut-il devoir prier le commandant de la frégate autrichienne la Novara, qui était dans les environs et que le bruit du canon avait attirée devant Tuspan, d’aller à Vera-Cruz demander du secours au commandant Cloué. Il redescendit ensuite à terre avec du renfort, mais trouva la ville évacuée et les rues, particulièrement les flancs du cerro de l’Hôpital, jonchés de cadavres juaristes. Ce résultat, auquel il était si loin de s’attendre, était dû à la conduite héroïque de M. de Tesson, de ses quatorze matelots et de quelques Mexicains au cerro de l’Hôpital.