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de huit millions venait d’être enlevée, une compagnie du 51e de ligne avait été détruite, quatre compagnies de zouaves avaient été défaites près de Talacingo. On ne se rappelait pas la position aussi fâcheuse depuis l’échec du général de Lorencez devant Puebla. Aussi était-il nécessaire d’obtenir un grand succès, car avec le soulèvement presque général ou plutôt l’augmentation considérable du nombre de guérillas, l’horizon politique était devenu de plus en plus sombre, et il fallait absolument qu’une victoire vînt l’éclaircir.

Cette victoire fut la prise d’Oajaca, et le succès, fut complet, car on prit du même coup toute la garnison de la place. Sur la frontière nord de Jalisco, d’heureux événement accompagnaient celui-là. Des deux chefs de bandes, Rojas et Romero, l’un fut pris, l’autre fut tué. Rojas, en particulier, était une sorte de chef légendaire dont l’influence dans le Jalisco, le Michoacan et les environs était immense. À l’agitation qui peu de jours auparavant gagnait tout le Mexique succéda tout à coup un apaisement général. En ce mobile pays, le trône de Maximilien parut s’asseoir, et ce prince fut pour ses sujets de la veille et du jour, — car les plus compromis et le plus près de trahir se ralliaient et étaient accueillis, — le héros aux cheveux d’or, aux yeux d’azur, que la vieille Europe donnait au Nouveau-Monde. À n’en juger d’ailleurs que par les apparences, la situation était satisfaisante. Tandis que le centre, et le nord-ouest de l’empire traversés ou gardés par nos troupes se pliaient à l’obéissance, le Yucatan, Campêche et Mérida d’accord accueillaient favorablement l’aide de camp du général de Thun et la nouvelle qu’il lui portait du prochain voyage de l’empereur et d’une expédition sérieuse contre les Indiens rebelles. Carmen vivait tranquille ; Tuspan, si récemment menacé, ne paraissait plus devoir être attaqué, et Tampico expédiait facilement ses convois d’argent. Quant à Matamoros, sa prospérité était vraiment extraordinaire. Débouché de commerce pour les confédérés américains, il s’y était bâti, installé, développé une ville artificielle de soixante mille âmes, pleine de richesses, ayant des centaines de navires sur sa rade et dont les revenus de douane soutenaient les finances du naissant empire, Aussi l’administration mexicaine, jusque-là si précaire, faisait quelques efforts en vue de l’avenir et, pour ne parler que de la marine, demandait à la France quelques officiers du commissariat et songeait, tant on regardait alors notre départ comme probable, à acheter nos canonnières du golfe et le Lucifer lui-même, devenu disponible, si on consentait à les lui céder. Le nouvel empire avait d’autant plus d’intérêt à marcher dans cette voie que la France comptait se retirer bientôt de toute coopération active. Le maréchal se disposait à embarquer, son artillerie et l’effectif de l’armée, par de périodiques et partielles rentrées en France, diminuait assez régulièrement.