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avec les soi-disant libéraux. En licenciant l’armée pour la reformer, on avait jeté sur le pavé, sans solde ni moyens d’existence, une foule de militaires dont les grades n’avaient pas été reconnus parce qu’ils n’étaient pas prouvés : mesure imprudente et dangereuse. Tous ces gens-là avaient pris les armes contre nous pour vivre. Ils n’osaient pas aborder nos troupes même au nombre de dix contre un, mais il était presque impossible de les atteindre. Ils disparaissaient en se dispersant et ne se dispersaient que pour se reformer de nouveau là où nos troupes n’étaient déjà plus. C’étaient des marches et contre-marches qui fatiguaient beaucoup nos soldats pour n’aboutir à aucun résultat important.

En même temps, Tuspan donnait de nouveau des inquiétudes et Alvarado pouvait se trouver bientôt dans une position critique, car l’autorité civile de Vera-Cruz venait de licencier la garnison mexicaine qui avait remplacé nos volontaires créoles et n’avait rien mis à sa place. La province toutefois qui, jouissant encore de l’impunité avant qu’on l’attaquât, mettait le plus de temps à profit, était le Tabasco. Il continuait à tirer d’énormes subsides de la liberté du commerce que lui accordait la levée du blocus. Le Goazocoalcos l’imitait. Tous deux étaient riches, augmentaient depuis plusieurs mois leurs ressources et accumulaient leurs défenses. La prise d’Oajaca devenait donc de plus en plus urgente. Elle devait probablement calmer l’agitation qui cherchait à se développer, mais si le siège d’Oajaca, en ce moment parfaitement fortifié, se prolongeait, il était à craindre que les affaires ne prissent une tournure fort grave.

Dans ces circonstances, le commandant de la division avait surtout à se préparer à l’expédition de Tabasco, qui devait avoir lieu concurremment avec celle d’Oajaca et la compléter, et pour cela il lui fallait faire une tournée aux divers points qu’occupaient nos bâtimens pour savoir s’il pouvait les en retirer sans danger. A Carmen, où il alla d’abord, les inquiétudes que le capitaine du Brandon avait pu concevoir étaient exagérées. La population n’était pas vraiment hostile au général Marin, mais celui-ci était surtout découragé. Le commandant lui fit entrevoir et lui obtint en effet peu après la croix de commandeur de Guadalupe comme récompense de ses longs services, et M. Marin se montra disposé à prêter son actif concours pour l’expédition de Tabasco. Le Yucatan était encore assez tranquille au point de vue des partis mexicains, mais non de la guerre de caste. Le commissaire impérial, M. Salazar Ilarrégui, s’était trop hâté de congédier les gardes yucatèques qui étaient sous les armes, et les lignes de l’Ouest étant dégarnies, les Indiens rebelles avaient fait une irruption et massacré dix-neuf villages. Aussi attendait-on avec impatience l’arrivée du corps de Galvez pour