Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attristans ou irritans qui venaient l’atteindre dans la fatigante inaction de Sacricifios, où était alors le Magellan.

Tout gouvernement qui s’établit à l’aide d’une force étrangère a une tendance naturelle et dont on ne saurait lui faire un crime à s’éloigner de ses alliés pour se rapprocher de ses nouveaux sujets. C’est là même pour lui une condition d’existence, s’il sait garder une sage mesure dans la reconnaissance qu’il doit aux uns. et dans la protection qu’il accorde aux autres. Mais c’est ce que ne fit pas le nouveau gouvernement, et après avoir trop vite levé le blocus qui fermait ses ports et rouvert ainsi leurs ressources aux provinces dissidentes, il accueillit, avec une injustice souvent flagrante pour nous et un empressement peu digne pour lui, les réclamations de tout genre qui lui furent adressées. La position des représentans de la puissance alliée, diplomates ou militaires, est alors délicate, car ils sont placés entre le devoir d’agir et de réprimer et la perspective presque certaine de n’être que faiblement soutenus par leur gouvernement. Ils créent en effet à celui-ci, placé loin des faits, désireux d’une bonne entente avec son pupille, des difficultés qui l’importunent. Ces difficultés-là, d’un ordre trop secondaire pour qu’elles soient enregistrées ici, s’imposaient fréquemment au commandant de la division et le troublaient dans des préoccupations plus élevées.

L’îlot de Sacrificios, devant lequel était mouillé le Magellan, mérite d’être décrit, car il occupe une place dans les souvenirs de tous ceux qui ont pris part à la guerre du Mexique. Il est à trois milles de Vera-Cruz et ne produit pas d’eau potable ; il y avait, il y a sans doute encore un puits creusé par la marine et entouré de planches à laver convenablement disposées. Le tout recouvert d’un toit servait de lavoir aux équipages. On avait désigné aux Anglais et aux Autrichiens, quand ils étaient là, un tour comme à nos hommes. L’eau est saumâtre, les bestiaux ne s’y habituent pas, et on leur envoie de l’eau du bord. Les bœufs de Sacrificios étaient une réserve de viande fraîche pour les jours où l’état de la mer ne permettait pas de venir à Vera-Cruz et, afin d’aérer les bâtimens le plus possible, on débarquait même sur l’île toutes les volailles, ainsi que les porcs et les moutons. L’espace compris entre les différens groupes des cabanes, avait été nivelé et battu de manière à former une place sur laquelle on envoyait des compagnies de débarquement faire l’exercice à tour de rôle. La cabane du sud, installée par l’amiral Bosse, avait déjà servi à loger quelques malades, qu’on ne voulait pas exposer au séjour en ville. On y avait fait camper en ce moment l’équipage de la Tactique, fiévreux presque en entier, afin de pouvoir vider, désinfecter et blanchir à la chaux la cale de cette canonnière. Non