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Lutte entre confédérés, interprétation de la constitution, des lois générales et des traités, procès touchant les ambassadeurs, parce que le droit des gens peut y être impliqué, affaires maritimes, parce que les mers n’appartiennent à aucun état particulier : telles sont les matières dévolues à une juridiction maîtresse de sa compétence, habile à en reculer les bornes et n’ayant pas de peine à juger tous les plus grands procès de l’Union en cassant les arrêts des cours suprêmes des états.

A sa tête est le chief justice : huit juges (associate justices) composent la cour, que complète l’institution du ministère public, vers laquelle marche lentement l’Angleterre. Un procureur-général est chargé de poursuivre et de diriger toutes les instances dans lesquelles les États-Unis sont intéressés. Conseil du gouvernement pour toutes les questions de droit, il a rang de ministre et exerce une charge qui rappelle les fonctions de notre garde des sceaux[1] ; chaque année, le premier lundi de décembre, une session où sont présens les neuf juges s’ouvre à Washington. Ils peuvent juger au nombre de cinq. Mais leur principale fonction est de parcourir individuellement les circuits pour présider des assises. L’Union est divisée en neuf circuits dans lesquels chaque année deux sessions d’assises sont tenues par un des juges, qui statue avec l’aide du jury. Enfin cinquante cours de districts, juridictions fixes et permanentes, sont établies à raison d’une ou deux par état, pour juger en premier ressort les causes civiles et pénales de moindre importance.

Ainsi l’organisation judiciaire, les compétences, le droit lui-même, sont scindés aux États-Unis en deux parts. Il fallait exposer ce système, sans analogue dans l’ancien monde, avant d’examiner la situation des juges américains, c’est-à-dire le point qui nous touche véritablement.

S’il faut distinguer en Amérique les deux justices, il ne faut pas séparer avec moins de soin les deux ordres de magistrats. Les uns remplissent leur charge jusqu’à ce qu’ils aient démérité, les autres l’occupent pendant un temps fort court. Les premiers sont nommés par les pouvoirs les plus élevés de la confédération, les seconds sont élus par la masse des justiciables. De cette

  1. L’autorité des précédens et du droit dans le jeu des institutions politiques aux États-Unis n’est nulle part plus visible que dans les fonctions d’attorney general. C’est le procureur-général que le président et les ministres consultent sur toutes les questions de droit. Ses réponses réunies et publiées forment un volumineux commentaire de la constitution. Elles témoignent de la rare capacité des jurisconsultes qui ont rempli cette charge, aussi bien que du respect que le droit inspire au premier magistrat de la république. — Official Opinions of the attorneys general of the United States (13 volumes in-8o ; Washington, 1873).