Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pays comment on se défend contre le fléau, si les eaux du fleuve ravagent ou fécondent les terres, si elles apportent aux riverains la misère ou la fertilité, de même il faut aller demander aux nations depuis longtemps aux prises avec ce phénomène inconnu comment elles le supportent, à quelles conditions elles le contiennent, ce qu’elles ont fait pour tourner à leur profit les forces dont il dispose.

Pour nous livrer à cette étude nécessaire, nous avons choisi les deux pays où le principe démocratique s’est le plus librement développé. Nous avons vu l’un à travers les écrits et les récits de ceux qui le connaissent le mieux. Nous avons tenu à examiner par nos yeux le pouvoir judiciaire chez le peuple qui nous offrait en Europe, sur un théâtre restreint mais complet, le spectacle d’une démocratie maîtresse incontestée du pouvoir. Ainsi, dans les deux hémisphères, nous aurons recueilli sur le même sujet, à travers les mœurs les plus diverses, des enseignemens certains sur l’action d’un principe qui est, à n’en pas douter, le moteur de notre mécanisme social.


I

Dans toute fédération il y a deux ordres de pouvoirs : le pouvoir local de chaque fraction de territoire, indépendant dans la sphère de ses attributions, — et le pouvoir central, qui sert à retenir par un lien commun les souverainetés particulières.

Aux États-Unis, de même qu’il existe deux pouvoirs, il y a deux justices :

Celle de chaque état, qui est organisée suivant les modèles variés d’institutions dérivant de même source, appartenant à la même famille, mais ayant subi, suivant le temps et les lieux, des modifications plus ou moins profondes ;

Celle de l’Union américaine, tirant son origine de la constitution, développée par le congrès et en possession d’une compétence définie que font respecter de nombreux tribunaux reliés par une hiérarchie rattachée à la cour suprême. — Ces deux organisations judiciaires sont parallèles ; chacune d’elles se meut dans le domaine de sa compétence spéciale. Il faut les examiner séparément pour voir sortir d’une confusion apparente ce qui fait le caractère propre et la force de ce système.

De l’indépendance des états, du droit qui leur appartient de se constituer librement, de faire à l’aide des assemblées élues des lois auxquelles les citoyens prêtent obéissance, dérive le pouvoir de rendre la justice et par conséquent de créer des tribunaux. Organisées sur un type commun, les cours de justice ont conservé les