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vous fissiez seul de méchans vers que d’aller entendre de la prose d’antichambre.

Vous voyez que j’use fort de la liberté que vous m’avez donnée de vous gronder. Au fait, si vous le preniez mal, vous seriez un soi, car je ne fais que remplir mon devoir de mère, et il faut vous aimer et vous estimer beaucoup pour se charger de vous faire la morale si rudement.


Le 13 mars.

Il y a tantôt quinze jours que je vous écrivis le barbouillage précédent. Depuis il ne m’a été possible de le reprendre, et c’est à grand’peine que je m’y remets aujourd’hui. J’ai attrapé une sorte de refroidissement qui m’a fort maltraitée et principalement les yeux que j’ai déjà assez faibles et que je crains de ne pas bien retrouver sinon de perdre tout à fait par suite de cette affaire-ci. Je serais fort à plaindre si j’en suis réduite à me chauffer les pieds sans m’occuper, et puis c’est triste de n’y pas voir, de ne pouvoir regarder la couleur du ciel et le visage de ses enfans. Priez pour que cela ne m’arrive. En attendant je souffre beaucoup et ne puis vous dire qu’un mot. C’est que j’espère que vous ne vous fâcherez pas de tout ce qui précède et que j’ai trouvé un peu sévèrement dit en le relisant. N’y cherchez qu’une nouvelle preuve de mon amitié pour vous.

J’espère que vous viendrez nous voir quand vous aurez fini avec la maison Bertrand. Vous trouverez Maurice et Léontine lisant très bien, écrivant très mal et fesant du reste assez de progrès pour les petites choses que je leur enseigne peu à peu. Soulat lit mal et écrit bien. Il oublie les principes que vous lui avez donnés, quoique nous le fassions lire tous les jours. Vous m’aviez proposé de me laisser des tableaux pour les leur remettre sous les yeux, ce qui souvent est nécessaire. Vous l’avez ensuite oublié et vous m’avez promis de m’en envoyer. N’y manquez pas, je vous prie. Ce sera m’épargner la fatigue d’en faire moi-même, ce que je pourrais au besoin, car je me rappelle assez bien l’arrangement des principales règles. Mais j’ai les yeux et la tête si malades que vous me rendrez service en me les fesant passer.

Adieu, mon cher Jules, donnez-moi toujours de vos nouvelles. Tout le monde ici vous fait amitié, Maurice vous embrasse et moi aussi.