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M. de Périgny comblait d’honnêtetés le musicien susdit, afin d’économiser le salaire de>5 francs par soirée. Ne voulant pas négliger cet incident, mais ne voulant pas mettre en scène l’innocent musicien et son innocente moitié, nous avons, Dutheil et moi (auteurs indignes de cette chanson), offert nos propres individus aux traits de la satyre et nous maltraitant soi-même (nous avions tenu l’orchestre à nous deux la première soirée), nous détournons, par cette ruse adroite, les soupçons qui se dirigeraient sur nous si nous ne gardions le secret sur notre génie poétique, car nous en pinçons.

Il a pu, à Paris, vous chanter des complaintes de notre façon ; que vous en semble ? Nous avons tant d’esprit que nous en sommes zonteux nous-mêmes. Nous avons montré la susdite chanson à M. et Mme Périgny, qui en ont beaucoup ri et nous ont autorisé à la répandre clandestinement, à condition qu’ils ne soient pas reconnus en avoir eu connaissance. Voyez-vous d’ici la bonne figure qu’ils vont faire et nous aussi, quand d’un air piteux on viendra nous raconter qu’un libelle impertinent, arme à deux tranchans et dans lequel nous sommes particulièrement maltraités, circule dans la ville ? Voyez-vous l’air de philosophie et de générosité avec lequel nous témoignerons notre mépris de cet outrage ? J’oubliais de vous dire qu’à la seconde soirée il n’est venu personne que ce maître de musique, Casimir et moi, la chanson d’ailleurs vous l’apprendra ; mais vous saurez que j’avais l’honneur de faire partie des trois invités qui font une si pauvre figure à la fin du dernier couplet. Nous attendons à demain pour savoir si la cabale continue. Moi je n’en aurai pas le démenti et j’irai pour voir. Vous voilà au courant des cancans.

Casimir a écrit à Barbignière, son refus n’est pas une défaite. J’écrirai à Félicie quand je pourrai. En attendant dites-lui que je l’embrasse, que je ne me soucie guères d’apprendre les modes, mais de savoir qu’elle se porte bien et ne m’oublie pas. Au reste, je lui dirai cela moi-même dans quelques jours. Je verrai demain toutes vos amoureuses et m’acquitterai de vos commissions.

Bonsoir, mon vieux, portez-vous bien, dormez quinze heures sur seize et aimez toujours votre fille,

AUR.


Casimir vous embrasse et Maurice Pauline ; à propos ! j’ai un ménage entier de porcelaine de Verneuil[1] pour elle, mais comment le lui envoyer ? le port coûtera plus que la chose ne vaut, fixez-moi là-dessus.

  1. Village de potiers près Nohant.