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mais qu’il avait trop de sentimens, etc. Enfin il vous aurait dit peut-être de très belles choses, mais vous avez bien fait de ne le pas payer. Il est très glorieux, je suis sûre, de pouvoir dire qu’il nous a rendu service.

Je ne sais pas si mon projet d’aller à Paris s’effectuera. J’ai même tout lieu de croire qu’il ira grossir le nombre immense de projets en l’air qui sont en dépôt dans la lune avec tout ce qui se perd sur la terre. Ma fille est bien petite et bien délicate pour voyager par ce mauvais tems. Du reste, elle est fraîche et jolie à croquer. Maurice se porte bien aussi et vous souhaite une bonne année ; il embrasse son cousin Oscar.

Veuillez, chère maman, être encore mon remplaçant dans le choix des étrennes de Caroline ou d’Oscar (ce que je laisse à votre disposition) et y consacrer comme de coutume une cinquantaine de francs que vous trouverez disponibles chez M. Caron, rue de Clichy, n° 22.

Adieu, ma chère maman. Je me porte très bien, ma fille est sevrée depuis longtemps parce que je n’ai pas de lait. Elle boit et mange comme une personne naturelle. Notre vie à tous s’écoule toujours paisiblement et gaîment surtout. Nous appelions Hippolyte à cors et à cris pour partager nos plaisirs de l’hyver. Envoyez-le-nous si vous pouvez. Portez-vous bien, ma chère mère, je vous embrasse de toute mon âme. Casimir en prend sa part.

AUR.


A Monsieur Caron, Paris.


Nohant, le 20 janvier 1829.

Il est très vrai que je suis une paresseuse, mon digne vieillard et bon ami. Ce n’était pas tant de vous écrire qui me tenait au cœur, ce n’était même pas du tout cela. C’était l’ennui, la fatigue extrême de prendre la mesure et de rédiger une description de ma lampe. Vous me reconnaissez bien là ? Enfin, Dieu merci, j’en suis venue à bout et ce n’est pas malheureux. Vous savez que je suis de force à me laisser brûler les pieds plutôt que de me déranger et à vous couvrir une lettre de pâtés plutôt que de tailler ma plume. Chacun sa nature. Vous n’êtes pas mal feignant aussi, quand vous vous en mêlez. Mais ce n’est jamais quand il s’agit d’obliger, j’ai pu m’en convaincre mille fois, et j’ai même honte d’abuser si souvent de votre extrême bonté.

Je joins ici le dessin de cette lampe. Je vous ai demandé en outre dans quelque lettre qui se sera perdue 3 aulnes de ruban à gros grain pour faire des bretelles couleur rayée point trop salissante, à votre