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Ne me laissez pas plus longtems avec le chagrin de vous savoir mécontente. Écrivez-moi, ma chère maman, j’ai le cœur bien triste, et un mot de vous en ôterait un grand poids.

Casimir vous embrasse tendrement.


A Madame Dupin, Paris.


Nohant, 4 août 1828.

Il est vrai que j’ai été bien longtems sans vous écrire, ma chère maman, mais je n’ai pas cessé de demander de vos nouvelles à Hippolyte. Il pourra vous dire aussi que trois fois de suite je lui ai demandé votre adresse sans qu’il me l’envoyât. J’ai cherché dans vos lettres précédentes, mais je n’y ai point trouvé celle que vous me dites m’avoir désignée. Ce n’est que sa dernière lettre (qui m’est arrivée à peu près en même temps que la vôtre) qui me l’a apprise. J’étais fort contrariée, je vous assure, de ne savoir où vous étiez. Je suis enfin bien heureuse de savoir que vous êtes installée de nouveau à Paris, bien portante et avec la société de votre enfant, qui doit vous être agréable et récréative. Embrassez-le bien de ma part, je vous en prie, et gardez-le le plus longtems que vous pourrez, car j’ai bien envie de le voir.

A cet égard, je ne sais pas du tout quand j’aurai le bonheur de vous embrasser. Je crois que je ferai tranquillement mes couches ici, où je serai plus commodément et plus économiquement pour passer les premiers mois de ma nourriture. Si nos affaires nous le permettent, je fais le projet d’aller passer cet hyver quelque tems près de vous. Ma santé est assez bonne, quoique depuis quelques semaines je souffre beaucoup de l’estomach, ce qui est la maladie de la saison. En ne mangeant pas, j’y échappe, mais cela me coûte fort, car j’ai des faims très exigeantes que je ne puis satisfaire sans les payer de plusieurs jours de souffrance et de diète. Je ne suis pas très forte, et la moindre course en voiture me fatigue beaucoup. A cela près, je vais bien. Je suis si grosse que tout le monde pense que je me suis trompée dans mon calcul et que j’accoucherai très prochainement ; je ne crois pourtant pas que ce soit avant deux mois.

Casimir me charge de vous dire qu’il est très mécontent de l’inexactitude de M. Puget à votre égard. Il ne peut vous adresser à M. Lambert, qui n’est plus notaire et qui n’habite plus Paris. Mais il chargera de vos affaires dès le prochain trimestre une personne sûre et parfaitement exacte. J’ai vu Léontine un instant. Elle se portait bien. Je vais la chercher demain pour quelques jours.