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par plusieurs membres de l’épiscopat, et l’on trouve écrit partout que l’opposition du clergé, comme celle du parlement, fut une des difficultés avec lesquelles M. Necker eut à lutter. Une affirmation aussi générale n’est pas exacte. « Je vous l’abandonne, si vous voulez vous charger de payer les dettes de la France, » avait répondu M. de Maurepas à un évêque qui lui reprochait la nomination d’un protestant à des fonctions publiques aussi importantes ; Mais le haut clergé ne présentait pas alors cette unité de doctrines et de vues qu’offre aujourd’hui l’épiscopat français, et il se divisait en plus d’un parti. Il y avait d’abord le parti qu’on appelait le parti dévot, qui s’employait avec plus de fougue que d’adresse à combattre les doctrines philosophiques ou jansénistes, et qui déployait un zèle égal contre les progrès de la tolérance et contre ceux de l’impiété. À la tête de ce parti était l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, dont le nom doit à certaine lettre de Rousseau une célébrité fâcheuse. Tout à l’opposé, se faisait remarquer le parti des prélats de cour, dont le cardinal de Rohan a été le type le plus éclatant, beaucoup plus occupés de galanteries et d’intrigues que de querelles théologiques, et dont on avait grand’peine à obtenir quelques mois de résidence dans leurs diocèses. Enfin il y avait entre les deux un parti intermédiaire qu’on avait le tort d’appeler parfois le parti philosophique, composé de prélats dont l’orthodoxie était suffisante, les mœurs honnêtes, mais qui ne dédaignaient ni le suffrage des beaux esprits ni le commerce du monde. Parmi ces prélats on comptait l’archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé, qui joua un rôle assez important à l’assemblée constituante, l’archevêque d’Aix, Cucé de Boisgelin, qui fut à l’Académie française le successeur de Voisenon, l’archevêque de Bourges, Phelipeaux, que M. Necker devait mettre à la tête de l’assemblée provinciale du Berry, l’archevêque de Narbonne, Dillon, les évêques du Puy, de Mirepoix et d’autres encore. M. Necker, dont le système politique était de ménager le clergé et de l’associer à ses plans de réforme, rechercha l’appui de ces prélats. Il n’eut pas de peine à l’obtenir. D’assez nombreuses lettres échangées entre eux et Mme Necker, qui était dans beaucoup de circonstances le secrétaire de son mari, vont nous montrer que, si la tolérance n’était pas encore inscrite dans nos lois, elle était du moins (ce qui vaut autant) entrée profondément dans nos mœurs. On sera peut-être étonné de voir que les membres les plus haut placés du clergé ne jugeaient pas les actes de l’administration de M. Necker moins favorablement que Grimm et Diderot. C’est ainsi que l’évêque de Mirepoix, Tristan de Cambon, écrivait à Mme Necker au moment de la publication du Compte-rendu :