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Ce n’est plus cependant le désert saharien, les pluies tropicales y entretiennent assez d’humidité pour le couvrir d’une forêt continue. En 1818, Mollien en avait coupé l’angle nord-ouest de Khorkhol aux environs de Saldé, mais jamais avant M. Monteil un voyageur européen ne l’avait traversé de part en part. Parti de Saint-Louis le 21 novembre, ce jeune officier arriva à Bakel le 26 décembre suivant. Par suite de l’impraticabilité des gués du marigot de Bounoun, il dut descendre assez bas vers le sud pour aller de Merinaghen à Khorkhol. Il parcourut ainsi par terre ce curieux pays que M. Braouezec avait déjà visité en bateau en 1861. Le lac Guier est un déversoir du Sénégal ; quand le fleuve croît, il croît, et le courant du marigot de Bounoun se dirige vers l’intérieur des terres ; quand le fleuve décroît, le lac décroît à son tour et le courant du marigot se dirige alors vers lui. Pendant la saison sèche, comme, sur un très grand rayon à la ronde, on ne trouve d’eau que là, tous les animaux sauvages du désert de Ferlo y affluent. Lions, éléphans, girafes, antilopes, gazelles, y abondent alors. M. Lecard assure avoir trouvé sur les bords du lac un cimetière d’éléphans, c’est-à-dire un endroit que ces animaux ont choisi pour mourir. Le fait, signalé par plusieurs voyageurs, est bien connu des indigènes, qui surveillent attentivement le cimetière pour y recueillir l’ivoire à mesure que les éléphans y viennent rendre le dernier soupir.

Le Djolof, dont le Bounoun fait partie, compte de 20 à 30,000 habitans. Les Ouolofs, race vigoureuse et vaillante, en constituent la grande majorité. Des Peuls pasteurs errent dans les solitudes. Le sol est plat sur la rive gauche du marigot, (et légèrement ondulé entre la rive droite et Khorkhol. Il est entièrement recouvert par la forêt au milieu de laquelle les cultures font clairière. Cette forêt exploitée intelligemment donnerait de beaux revenus tant en bois qu’en gommes. Mais les gommes s’y perdent, et les pasteurs peuls en rabougrissent les arbres en les faisant brouter par leurs troupeaux et en incendiant fréquemment les herbes. M. Monteil dénonce un autre ennemi du développement de la forêt, ce sont les termites. Ces prodigieux petits travailleurs recouvrent tous les arbres d’une couche de terre, et ce doit être un bien surprenant spectacle que celui d’un bois dont les moindres rameaux sont enveloppés d’argile. Quand on frappe délicatement une branche, la croûte supérieure s’écroule, et on aperçoit des lacis de canaux qui sont les galeries des insectes. Les termites piquent l’écorce apparemment pour pomper la sève, et cela détermine une maladie qui se reconnaît aux taches noires qui se développent dans le bois.

De Khorkhol, M. Monteil se dirigea en droite ligne sur Bakel.