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changeront. Dans les provinces où l’influence française s’est déjà fait sentir comme dans le Toro, l’appât du bien-être qui se présente à eux sous l’aspect des divers objets que leur offre notre commerce les pousse à se procurer des moyens d’échange en augmentant leurs cultures et leurs récoltes.

Parti de Guédé le 9 décembre 1879, M. Jacquemart arriva à Bakel le ler janvier 1880. A son avis, le chemin de fer aurait avantage à suivre de près la limite des inondations sur le flanc des collines. C’est là que les mouvemens de terrain sont le moins accusés et que sont bâtis les villages habités toute l’année. Il y aurait à traverser une douzaine de ravins venant de l’intérieur du pays. Les bois ne manqueront en aucun endroit de la route, mais, sauf quelques cailloutis sans valeur, on ne trouvera de la pierre qu’en approchant de Bakel. L’obstacle le plus sérieux viendra des mauvaises dispositions d’une partie de la population. Les gens du Toro nous aideront volontiers. Le jeune chef de ce pays intrigua vivement les Parisiens en 1878 en apparaissant en boubou bleu et en bonnet rouge à la suite des représentans des familles impériales et royales d’Europe venus à la distribution des récompenses de l’Exposition universelle. Sa face noire, les couleurs voyantes et la coupe de son costume formaient un contraste inattendu dans une pareille société. lia rapporté de ce voyage une vive et sympathique admiration pour notre pays, sous le protectorat duquel le sien est du reste placé depuis 1863 et il a promis d’envoyer sur les chantiers tous ses sujets, hommes libres et esclaves. Dans le Lao et l’Irlabé, que le traité du 24 octobre 1877 a également placés sous notre protectorat, on se prêtera à la construction du télégraphe et du chemin de fer sans enthousiasme, parce qu’on sait qu’on ne peut faire autrement. Dans le Damga, que nous avons protégé pendant quelques années et qui se souvient de la sécurité que nous lui avions donnée d’autant plus vivement qu’il est aujourd’hui en proie aux exactions et aux razzias des gens du Fouta, on souhaite ardemment notre présence. Il en est de même dans le Guoye. Mais dans le Fouta indépendant nous sommes franchement détestés.

Les Toucouleurs qui l’habitent sont une race métisse, issue du mélange des Peulset des Ouolofs. Ils ne travaillent guère, comme nous le disions plus haut, et leur principale industrie est le pillage de leurs voisins, ce qui entretient chez eux une humeur turbulente et belliqueuse. Les mêmes raisons qui nous font désirer des autres peuples les éloignent de nous, ils sentent bien en effet que, pour donner la paix aux autres, nous leur interdirons la guerre et les condamnerons à changer de vie. A cela s’ajoute une vieille rancune. El Hadj-Omar était un Toucouleur, et ce sont eux qui ont composé les armées qu’il a promenées de victoire en victoire depuis les