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qu’entraîne le passage de la barre du Sénégal, de façon qu’il n’en coûtera pas plus pour expédier une tonne de marchandises de Dakar que de Saint-Louis, ce qui permet de calculer que les facilités d’embarquement décideront les négocians de Saint-Louis à faire toutes leurs expéditions par Dakar. C’est un trafic de 63,000 tonnes qui, à 11 fr. 50 par tonne, rapportera 724,500 francs. Des avantages du même genre attireront le trafic de Rufisque, soit 19,000 tonnes qui, à 4 fr. 50 la tonne, produiront 85,500 francs, soit en tout 810,000 francs. L’auteur de l’avant-projet n’a point voulu faire entrer en ligne de compte le trafic présumé des stations intermédiaires. Cependant il est probable qu’il ne sera point sans importance. Le Cayor est un pays éminemment propre à la culture de l’arachide, ses habitans ont de nombreux troupeaux et ses forêts contiennent de magnifiques bois de construction. L’immense forêt du Saniokhor notamment est presque tout entière composée de palmiers roniers, un arbre superbe qui s’élève à de grandes hauteurs, droit comme une colonne, et dont le bois est incorruptible. La population est assez nombreuse ; le chemin de fer passe dans le voisinage de plusieurs centaines de petits villages. Pour les voyageurs, les chiffres sont beaucoup plus aléatoires. M. Walter suppose qu’il yen aura annuellement de 16 à 17,000 donnant une recette totale de 524,000 fr. Il y a lieu de croire là à quelque exagération, tandis que les frais d’entretien et d’exploitation paraissent avoir été trop abaissés. M. Walter ne les évalue qu’à 550,400 fr., ce qui, si l’on adoptait son chiffre de recettes brutes, donnerait un revenu net annuel de 783,600 francs. Quelles que soient les réserves que l’on doive faire relativement à ces calculs, il paraît bien évident que, si la garantie d’intérêt par l’état doit fonctionner pour cette ligne, ce ne sera que dans une mesure insignifiante. Et le jour où elle sera devenue tronçon de la grande voie du Sénégal au Niger et où, en surplus du trafic de Saint-Louis, elle recevra celui du Soudan, non-seulement elle n’aura plus besoin de cette garantie, mais elle donnera des bénéfices.

Au moment où l’on s’occupa d’étudier les moyens de mettre en communication le Sénégal et le Niger, la première section de la ligne se trouva ainsi préparée d’avance. Cependant il restait à obtenir l’assentiment du souverain du Cayor, Lat-Dior, dont il faut traverser le territoire. Nos ingénieurs avaient été bien accueillis par ses sujets, et lui-même avait toujours manifesté pour les Français le respect d’un homme qui avait été exposé à leurs coups. Mais le gouverneur était informé que nos projets l’inquiétaient vivement. Le général Faidherbe lui avait fait une rude guerre il y a vingt ans, l’avait chassé de ses états et y avait établi notre domination par une chaîne de postes fortifiés, il-craignait que la construction d’une