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déposent au point où ces deux impulsions contraires se neutralisent et les immobilisent. Ces dépôts forment des barres qui entravent la navigation. Celle du Sénégal est une des plus mauvaises, et parfois l’interruption des communications entre Saint-Louis et la mer dure jusqu’à trois mois. On conçoit quelle gêne résulte pour les relations commerciales d’un débouché aussi incertain. Cette côte terrible ne présente de réelles facilités d’accès qu’en un seul endroit, au-dessous du Cap-Vert, à l’abri, duquel elle s’arrondit en une vaste et belle rade foraine. C’est là que s’élève la ville récente de Dakar, dont le port, très sûr, peut recevoir les navires du plus fort tonnage. Les bâtimens marchands accostent bord à quai, les jetées ont un développement utile de 600 mètres, avec un tirant d’eau qui varie de 4 à 10 mètres à la basse mer. Comme elles peuvent desservir en moyenne un mouvement de 300 tonnes de jauge par mètre, elles suffiront largement pendant longtemps au trafic de la colonie. Déjà les paquebots français de Bordeaux au Brésil et à la Plata, et les paquebots anglais de Liverpool à Fernando-Po touchent régulièrement à Dakar.

Le plus bref examen suffit à faire comprendre l’immense avantage qu’il y aurait à relier Saint-Louis avec ce port par un chemin de fer qui assurerait l’écoulement régulier des produits du Sénégal. L’avant-projet dressé par M. Walter, chef du service des travaux publics de la colonie, montre que l’exécution est des plus faciles au point de vue technique. La ligne partant de Dakar s’infléchit considérablement vers l’est pour traverser de part en part la partie la plus fertile et la plus populeuse du royaume de Cayor. Dans presque tout le parcours, la plate-forme pourra être établie sans remblai ni déblai sur un terrain sablonneux, mais solidement fixé par de grandes forêts d’arbres à haute tige, où l’on trouvera tout transporté le bois pour les traverses. Par un traité qu’on trouvera plus bas, le roi du Cayor nous a autorisés à faire gratuitement tous les abatages nécessaires. Les rayons minima des courbes ont été fixés à 300 mètres. Les déclivités de la voie seront partout inférieures à 0m,009 par mètre, sauf au passage du col de Thiés, où on a admis exceptionnellement une rampe de 0m,015 par mètre sur 2,300 mètres de longueur. Il n’y aura qu’un ouvrage d’art à construire, un viaduc indispensable pour traverser le marigot de Leybar près de Saint-Louis. Il aura 120 mètres de long et 8 mètres de haut, la dépense en est évaluée à 264,000 francs. Le prix de revient par kilomètre est estimé à 62,440 francs, soit, pour les 260 kilomètres, une somme totale de 16,234,400 francs.

Il est aisé d’évaluer quel sera le trafic en marchandises de la nouvelle ligne tant qu’il sera borné au commerce actuel de Saint-Louis. Le tarif du transport à Dakar équivaudra aux frais