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Voilà qui surprendra peut-être un peu le public, que, pour des raisons qu’il est inutile d’exposer ici, on n’avait pas cru devoir renseigner jusqu’à présent sur ce qui s’est fait dans notre colonie sénégalaise depuis quinze mois.


I

Le gouverneur du Sénégal, M. Brière de l’Isle, accueillit avec empressement le projet de relier le Sénégal au Niger par une voie ferrée ; dans un vaste programme, il proposa l’ouverture immédiate des chantiers et la construction de la ligne en six années. On ne disposait pour la première campagne que d’un crédit de 500,000 francs, force fut de commencer plus modestement. Et la chambre ne se pressa point de le voter, ce qui faillit compromettre même ce commencement. Les transports, en effet, ne se font actuellement entre le bas et le haut Sénégal que par le fleuve, lequel n’est navigable que trois ou quatre mois dans l’année, au moment des pluies ; si l’on ne profitait pas de la saison propice pour accumuler dans le haut pays le matériel nécessaire aux premiers travaux, l’année était perdue. Or le ministre de la marine ne put envoyer l’autorisation de se mettre à l’œuvre que le 21 septembre 1879, c’est-à-dire lorsqu’on ne pouvait plus compter que sur quelques semaines de navigation.

Le chemin de fer projeté se divise naturellement en trois sections ; la première, de 260 kilomètres, va de Dakar à Saint-Louis ; la seconde, de 580 kilomètres, s’embranche à M’pal sur la première et aboutit à Médine ; la troisième, de 520 kilomètres environ, va de Médius au Niger. Pour la clarté de notre travail, nous exposerons successivement ce qui a été fait pour chacune d’elles.

La première section est de nécessité locale ; M. Brière de l’Isle en avait fait étudier l’avant-projet dès 1878, c’est-à-dire à une époque où il n’était pas question encore d’en faire une voie d’intérêt général en la prolongeant vers le Niger. La ville de Saint-Louis, bâtie sur une des nombreuses îles du Sénégal maritime, est la capitale commerciale du bassin du fleuve en même temps que le chef-lieu de la colonie. Elle compte quinze mille habitans, et son trafic annuel s’élève à plus de 60,000 tonnes métriques. Un obstacle naturel a fort contrarié jusqu’à présent le développement de son commerce. Depuis la baie d’Arguin jusqu’à Sierra-Leone, la côte d’Afrique est absolument inhospitalière. Elle est basse, une triple ligne de bancs de sable la borde, des ras de marée la ravagent fréquemment. Les marées sont d’une très faible amplitude, 0m, 90 à 1 mètre au maximum ; les matières dont sont chargées les eaux des fleuves, poussées par le courant et repoussées par le flot, se