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distance de l’enseignement supérieur ; l’un et l’autre auraient certainement à en souffrir. Ne paraissons pas conseiller aux professeurs de nos lycées de se désintéresser des hautes études. Sans doute on peut comprendre qu’il y ait d’excellens maîtres achevant leur carrière sans avoir jamais rien publié et sans laisser après eux rien d’écrit ; ce ne doit pas être cependant le plus grand nombre, car comment comprendre que des hommes voués à un travail incessant dans l’intérêt de leurs élèves ne s’arrêtent jamais sur une recherche à faire, un doute à éclaircir, un problème à creuser ? Combien sont-ils, ceux qui résisteraient pendant toute leur vie à une telle tentation sans se déshabituer de cette activité d’esprit qui permet seule de se renouveler, et par là de dominer et d’exciter les jeunes intelligences ? Au reste, nous devons au personnel de l’enseignement secondaire, dans l’Université, un très grand nombre de publications, non pas autant d’écrits philologiques qu’en publient les gymnases allemands, — il y a là peut-être une différence de génie, — mais beaucoup de mémoires et de livres.

Ces livres sont souvent des thèses pour le doctorat, passeport nécessaire vers l’enseignement supérieur, et que doivent accompagner ou suivre de près les travaux originaux et les recherches d’une réelle valeur. Jadis on avait institué une seconde agrégation donnant accès aux facultés des lettres ; mais, le niveau de la première ayant continué de s’élever, n’était-il pas probable que celle-ci deviendrait une épreuve un peu vaine ? Il ne faut pas abuser de ces concours toujours un peu factices, où la fortune et les circonstances ont trop souvent, quoi qu’on fasse, une injuste part. Les facultés de médecine et de droit exigent nécessairement de l’âge viril ces sortes d’épreuves ; si les études de sciences et de lettres, plus générales, les imposent à l’âge moins avancé, faut-il doubler l’expérience ? ne suffit-il pas, après les premiers témoignages, du concours de la vie, de celui qu’instituent à chaque jour entre les hommes de cœur le sentiment de la dignité personnelle, l’émulation et le respect commun de la science[1] ? Nous avons vu de ces tournois universitaires : on les a célébrés deux ou trois fois avant de les abandonner probablement pour toujours. Les hommes de grand talent qui devaient y vaincre n’avaient-ils pas vaincu à l’avance devant l’opinion, et fallait-il essayer de les classer ?

Quoi qu’il en soit, l’enseignement supérieur emprunte nécessairement le plus grand nombre de ses candidats à l’enseignement

  1. Il faut noter que cette agrégation supérieure, comme l’agrégation ordinaire qui subsiste aujourd’hui, ont affecté presque toujours le caractère d’examens en même temps que de concours : concours par les rangs assignés, examens par la certitude du titre pour tout candidat qui en est reconnu digne.