Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturels, » la constitution stipulait des garanties sérieuses ; le jury et la publicité des débats criminels étaient conservés, la confiscation abolie (art. 17), les cours et tiibunaux ordinaires étaient déclarés à vie et inamovibles, les commissions et tribunaux extraordinaires étaient supprimés et ne pouvaient être rétablis (art. 18). Enfin, pour consacrer l’indépendance judiciaire et lui donner une sanction, toutes les juridictions étaient investies du droit de proposer au roi trois candidats pour chaque place vacante dans leur sein ; le roi devait choisir l’un des trois ; il était libre de nommer sans condition le premier président et les membres du ministère public (art. 19).

La charte « octroyée » de 1814 ne fut donnée qu’un mois plus tard. Elle contenait des restrictions qui apparaissent en rapprochant les deux textes. Assurément l’esprit modéré du nouveau roi était fait pour comprendre M. de Talleyrand ; mais, autour de lui, ses amis, dès les premiers pas qu’ils avaient faits sur le sol de la France, avaient marché de surprise en surprise. Rien ne les étonnait davantage que cette hiérarchie symétrique de tribunaux régulièrement superposés et portant sur toute l’étendue du royaume des noms semblables qui ne rappelaient ni les parlemens, ni les bailliages, ni les justices diverses dont le mélange pour nous si confus semblait à leurs yeux plus simple que ces innovations, images partout blessantes d’une révolution détestée. Ils ne se laissaient pas fléchir par le spectacle étrange que donnait de toutes parts la soumission des corps judiciaires ; comme ils poursuivaient une résurrection complète du passé, ils introduisirent dans le texte tout ce qui pouvait la faciliter sans blesser trop ouvertement la récente fidélité des magistrats.

« Les juges nommés par le roi, portait l’article 58, sont inamovibles. » C’était annoncer que la restauration allait être suivie d’une investiture nouvelle qui donnerait seule aux magistrats leur caractère indélébile. On avait jugé inutile de proclamer l’indépendance du pouvoir judiciaire ; on y avait substitué l’affirmation que toute justice émane du roi. Les cours et les tribunaux ordinaires étaient maintenus ; mais, en déclarant qu’il n’y serait rien changé qu’en vertu d’une loi, on accordait une garantie doublée d’une réserve. L’interdiction de créer des commissions et tribunaux extraordinaires était suivie de l’indication, que sous cette dénomination n’étaient pas comprises les juridictions prévôtales si leur rétablissement était nécessaire. Le jury était conservé, tout en laissant entendre « qu’une plus longue expérience » pourrait le faire modifier. Enfin, la présentation par les compagnies judiciaires de candidats soumis à l’agrément du roi n’étaii pas accordée par la charte.

En résumé, si le pouvoir nouveau consentait à maintenir