Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Condé qui cherchaient à passer la Charente sur des ponts. Quand Condé fit sa charge avec la noblesse française, il se jeta sur les gardes rouges de Monsieur ; les Suisses ne pouvaient être loin du duc d’Anjou. Dans la lettre que le roi écrivit au colonel après la bataille, il dit : « M’ayant plus particulièrement mondict frère mandé le bon devoir que vous y avait fait, ayant par votre moien obtenu la victoire, que Dieu luy a donnée. » Il n’y a peut-être là qu’une forme de la phraséologie toujours un peu emphatique du XVIe siècle. Voici ce que dit Pfyffer de la mort de Condé : « Le prince de Condé est arrivé au milieu des nôtres, mais ils l’ont tué. J’ai entendu dire du duc lui-même qu’il leur avait offert 12,000 couronnes s’ils voulaient lui garder la vie sauvé, mais ils ne l’ont pas voulu. Aussi le duc se montre-t-il très content d’eux ; on dit qu’il Veut leur faire présent de 10,000 couronnes. »

Un officier suisse, Hoffner, écrit au sujet de cette mort : « Que Dieu tout puissant soit miséricordieux pour le pieux prince de Condé, car il étoit un prince pieux et droit, mais il a été honteusement abusé par l’amiral Gasper de Colony (Coligny) : . » Un autre officier suisse appelle Condé, « ce grand abimeur de paya et de gens et faiseur de malheurs » (grossen land und lütverderber unglükmacher),

Les protestans ne voulaient pas, ne pouvaient pas séparer leur cause de la cause royale : leur ambition était de mettre leur foi sur le trône, et à défaut du roi, il leur fallait du moins un prince du sang. Condé mort, ils s’empressent de reconnaître comme leur chef Henri de Navarre, mais pour un temps Coligny devient le véritable maître du parti.

Pendant qu’on se battait sur la Charente et la Vienne, les troupes allemandes du duc des Deux-Ponts faisaient une puissante diversion dans l’est de la France. On leur avait opposé le duc d’Aumale avec mille chevaux, huit mille hommes de pied, le régiment suisse de Cléry et cinq mille Allemands et Wallons envoyés par le duc d’Albe. La cour crut un moment que le prince d’Orange joindrait ses efforts à ceux du duc des Deux-Ponts et se tournerait avec ce dernier sur Metz pour reprendre cette ville à la France ; l’inquiétude avait été si vive que le roi se rendit à Metz en personne. Le duc des Deux-Ponts avait réuni ses troupes en Alsace, il passa en revue, le 15 mars, près de Haguenau, une armée composée de sept mille cinq cent quatre-vingt-seize cavaliers et six mille hommes de pied, outre six cents seigneurs français et allemands. Le prince d’Orange et ses deux frères Louis et Henri de Nassau étaient dans son état-major. Il prit à peu près la route que d’Andelot avait suivie en 1562, il entra en Bourgogne, et le 24 mars il se trouvait à Beaune. L’armée allemande manœuvra avec une telle rapidité qu’elle put