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fut comptée à l’égal d’une victoire. On admira comment des enseignes nouvellement levées avaient une si forte discipline, et combien elles étaient promptes dans leurs mouvemens. Paris les considéra comme les sauveurs du jeune roi, et on se fit une fête d’aller les voir dans leurs quartiers du faubourg Saint-Honoré. Les conséquences politiques de la retraite de Meaux, et surtout de la marche des Suisses de Château-Thierry sur Meaux, étaient de la plus haute importance. Si le roi fût devenu le prisonnier du prince de Condé et des Châtillon, toute notre histoire nationale eût peut-être changé de face. La monarchie ne courait aucun danger, et aucun des deux partis en lutte ne songeait à séparer sa cause de la cause royale ; mais tous deux voulaient avoir le roi, comprenant que, sans lui, ils ne pouvaient conserver ou gagner le cœur de peuple.

Le lendemain de l’arrivée des Suisses, le roi alla remercier le colonel Pfyffer et ses officiers pour le service qu’ils avaient rendu à sa couronne. On a raconté que, pendant la marche de Meaux, Charles IX passa au cou de Pfyffer l’ordre de Saint Michel et lui permit de mettre les fleurs de lis dans ses armes. Les rapports suisses, qui auraient certainement mentionné ce fait, n’y font aucune allusion. La famille Pfyffer possède, il est vrai, un fort beau collier en or du temps de fleuri II, mais ce collier n’est pas celui de Saint-Michel. Elle conserve aussi le Saint Michel du petit ordre (l’image de saint Michel pendue à un ruban noir), mais il ne fut apparemment donné à Pfyffer qu’après la bataille de Moncontour.

Le roi était si content, des Suisses que, peu de jours après son retour à Paris, il fit demander par son ambassadeur une nouvelle levée de quatre mille hommes ; neuf enseignes furent immédiatement envoyées à Nantua et de là partirent de suite pour Paris. De graves événemens avaient lieu pendant ce temps ; Condé avait entrepris le blocus de Paris et en occupait les principales approches. Il y avait dans la capitale, outre les Suisses, les troupes de Strozzi qu’on avait fait revenir de la Picardie, et celles de Brissac, revenues de Lyon. Le 10 novembre, le connétable sortit avec toutes ses forces, occupa la plaine de Saint-Denis et offrit la bataille aux huguenots, qui se tenaient entre Aubervilliers et Saint-Ouen.

Pendant la bataille dite de Saint-Denis, les Suisses avaient à leur droite quatorze pièces de canon et un peu plus loin la cavalerie de Cossé, de Biron, de Damville et d’Aumale ; à leur gauche, se tenait le connétable, qui avec un corps de cavalerie occupait le centre de la ligne de la bataille. La bataille de Saint-Denis fut surtout une affaire de cavalerie, car les huguenots n’avaient presque pas d’hommes de pied. Les Suisses n’eurent donc qu’un rôle à